42.

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TW : violence conjugale.

Caleb roulait dans le silence depuis tout à l'heure, il était tellement concentré sur la route que je doute qu'il est remarqué qu'il serre si fort le volant. Il reste ainsi jusqu'à ce que l'on arrive devant un vieux bâtiment. Il descend de la voiture sans mot, puis vient m'ouvrir la porte.

- Pourquoi tu m'as ramené ici ? Lui demandais-je. Ou bien, t'es-tu enfin décidé à m'éliminer ?

- Si je voulais te tuer, je ne me serais pas déplacé. Je l'aurais fais chez moi, dans mon salon, devant mes frères. Me répond-il.

Face à son air sérieux, je comprends qu'il a envie de tout sauf rire. Il se met à avancer jusqu'à l'intérieur et je le suis. Au fond de moi, je sens mon ventre se nouer. Mon Seigneur, fais que j'en sorte saine et sauve. Plus j'avance et je me sens idiote de l'avoir suivis. Mais une fois qu'il s'arrête sur le toit, je comprends que c'est trop tard. Je ne peux plus faire marche arrière.

- Ne t'inquiète pas, je ne te ferais pas de mal. M'assure-t-il. Je vais juste te parler.

Pour me prouver ses bonnes intentions, il ne s'approche pas et s'assois sur le bord. Je m'approche lentement avant de m'asseoir aussi. Heureusement que je n'ai pas le vertige.

- J'ai réfléchis et je me rends compte que tu as raison de ne pas me faire confiance. Me dit-il enfin. Alors aujourd'hui, je vais te dire ce que je n'ai dis à personne d'autre que Kaysan. Je t'offre ma confiance, et prends la si tu veux.

Je hoche la tête. Je m'attendais à tout sauf ça. Va-t-il se confier à moi ? Moi, Maya ? Je ne rétorque rien, j'écoute seulement. Il soupire, détourne le regarde puis dit :

- Je n'ai pas toujours vécu dans l'aisance. En fait, je vivais dans l'extrême pauvreté. Mes parents, mes frères et mois, vivions dans un tout petit appartement. Je ne m'en plaignais pas, après tout, on avait un toit sur la tête. Et je ne pouvais pas me plaindre, de toute façon. Mon père ne nous laissant pas l'occasion. Il ne cessait de nous rappeler tout le bien qu'il nous a fait, en nous appelant "ingrat".

Je savais déjà que Caleb n'était pas riche, auparavant. Comme moi. Comme beaucoup...

- Je voyais mon père comme mon héros, donc je ne voulais pas être ingrat. "Vous ne mangerez pas ce soir, j'ai assez de nourriture pour moi seul. Vous pouvez supporter la faim mais je ne peux pas." Disait-il... Continue-t-il. Et je disais : pas grave, baba. Mange à ta faim. Mange jusqu'à ce que tu n'en peuves plus. Tu es bien plus important que nous. C'est ce que je disais, à six ans. Je voulais les faveurs de mon père. Être son fils préféré. Pour ça, je dormais sur le ventre pour ne pas ressentir la douleur de la faim.

J'ignore si ce qu'il me dit est vrai, mais je ressens un pincement au cœur. Il me faisait terriblement pitié et le fait de ne pas savoir si cela est mieux de ne pas avoir de père que d'en avoir un pareil me ronge tellement.

- Ah, si seulement ce n'était que la nourriture ! Dit-il en riant tristement. Si seulement ce n'était que notre seul problème. Ce que je pensais être des caresses pour ma mère, petit, j'ai découvert plus tard que c'était tout sauf des caresses. Il la battait. Il la battait comme la battrait dix hommes. C'était insupportable. Syra, si tu savais le nombre de fois où je me suis endormi en rêvant de le battre, de lui crier dessus, de lui dire de ne pas toucher ma mère ! Mais j'étais trop trop petit. Je devais juste regarder, pleurer.

Mes poils se hérissent. L'envie de pleurer me prend. Retiens-toi, Maya. Pas d'empathie. Pas d'empathie. Pas d'empathie...

- Mais j'ai éventuellement grandis. À mes quinze ans, je suis rentré des cours un peu plus tard que d'habitude. Du sang était au sol. Mon Dieu, à ce moment-là, mon sang s'est glacé. Dit-il faiblement. Il a tué maman ? Keyaan ? Hayden ? Ou Yassin ? J'avais tellement peur mais tellement soulagée quand j'ai vu qu'ils étaient tous en vie. Seulement, il la battait encore. Mais j'ai grandis. J'étais devenu un homme. J'ai pris mes frères, je les ai emmené dans une chambre, puis j'ai mis le berceau de mon frère Yassin avec eux.

Il prend alors une pause. Il avait du mal à trouver ses mots. Et moi, je m'empêchai d'éprouver un semblant d'émotions. C'était interdit. Dans un autre contexte, j'aurais sûrement éclatée en sanglot.

- Je suis sortis de la chambre puis suis arrivé devant mon père. Je répétais sans cesse dans ma tête : je suis un homme et un homme défend sa famille. J'étais déterminé à défendre ma mère, lui montrer qu'elle n'est plus seule, qu'elle a un soldat derrière elle, même si j'avais horriblement peur. M'avoue-t-il. J'ai sauté sur lui et je l'ai asséné de coups. J'ai sortis toute ma rage, toute ma colère, contre lui. J'ai pris tout ce que j'avais en main et je l'ai frappé avec, jusqu'à qu'il en perde conscience.

Quelques larmes s'échappent malgré moi, et il les remarque puisqu'il les sèche rapidement. Comme s'il ne méritait pas qu'on pleure pour lui.

- J'ai ensuite pris ma mère et mes frères, puis on s'est enfui. Un ami avait un appartement libre, alors on est resté là-bas. Continue-t-il. J'ai arrêté le lycée, et j'ai commencé à chercher des boulots par-ci par-là. Ça n'a pas marché et mes frères avec ma mère mourraient de faim alors j'ai commencé à vendre des stupéfiants. Puis petit à petit, des armes aussi. J'ai fréquenté des organisations douteuses et j'ai eu ma place là-bas.

Les débuts de Caleb Al-Hassan...

- J'ai appris à me défendre, utiliser des armes, tuer. Et j'ai appris à me faire respecter. J'ai commencé à être invité à des événements des plus grands mafieux. ‏Je commençais à beaucoup gagner et le pouvoir, j'en voulais plus. Beaucoup plus. Dit-il doucement. Ce qui m'a amené à un duel avec le chef de toutes les mafias. Soit il me tuait, soit je le tuais et je prenais sa place. Tu peux deviner qui a gagné...

Je peux le deviner, oui... parce qu'aucun d'entre eux n'est irremplaçable. L'un s'en va, un autre vient. Tu n'es pas irremplaçable, toi aussi, Caleb Al-Hassan...

La Rose d'un CriminelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant