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Je me réveille en sursaut, en voyant Caleb près de moi. Mon premier réflexe est de vérifier si je suis habillée... je lève ensuite le regard sur lui. Je me rappelle de tout à l'heure... j'ai tellement pleurée que j'ai dû m'endormir.

- Il est quelle heure ? Demandais-je.

- Vingt-et-une heures. Me répond-il.

J'ai dormis presque toute la journée, à mon plus grand bonheur. Caleb se lève de mon lit lorsque je me redresse. Est-il resté à mon chevet durant tout ce temps ?

- Tu vas mieux ? Me demande-t-il.

Oui ? Non ? En réalité, je ne sais pas. Je ressens toujours une douleur au cœur, un vide que je n'arrive pas à combler. Mon enfant intérieur souffre encore de la perte de mes parents. Et bien que je ne le veuille pas, je n'arrive plus à associer à mes parents autre que le sang et la mort.

- Syra, si tu veux parler, je suis là pour t'écouter. Me dit-il sincèrement.

Il ne m'en a pas fallu beaucoup pour que je songe à me confier. Il va m'écouter. Quelqu'un va enfin m'écouter. Je ne lui dirais certainement pas toute la vérité, mais je sais que parler me débarrassera d'un énorme poids. Alors, c'est avec la tête baissée, que je me lance :

- Le 26 juillet 2003, la fusillade du Caire... est-ce que tu la connais ?

Et il hoche la tête. Tous les égyptiens ont en entendu parler. En même temps, ce n'était pas un léger évènement.

CALEB

- J'étais là-bas, ce jour-là. Me raconte-t-elle. On m'a emmené pour visiter les pyramides. J'étais tellement heureuse... jusqu'à ce que commence la fusillade.

Je reste bouche-bé, ne m'attendant pas à cette soudaine confession.

- J'avais quatre ans. J'étais accompagnée de mes grands-parents. Dit-elle faiblement. Et les deux ont été tués devant mes yeux.

Et ma surprise ne fait que s'accentuer. Je m'approche d'elle et comprend très rapidement sa peine.

- Je les aimais bien plus que mes parents... Dit-elle, les larmes aux yeux. Et chaque jour, de la même année, je revis ce jour-là. Je ressens les mêmes émotions.

Je l'approche de moi et je serre sa tête contre mon torse. Voyant qu'elle ne parle plus, j'ose lui avouer :

- Moi aussi, j'étais là.

Elle se relève rapidement et me regarde dans les yeux.

- J'ai entendu les tirs avant que ma mère ne m'amène à l'abri. Lui racontais-je. J'étais là, mais je n'ai rien vu...

Je décerne une lueur d'envie dans ses yeux. Et soudainement, je m'en veux de lui avoir dis. J'étais là. Pourtant, je n'ai perdu personne ce jour-là, je n'ai vu personne mourir. Elle, si. C'est donc pour cette raison qu'elle me détestait... parce qu'elle pensait que j'étais comme ces hommes. Que je déchirais des familles innocentes.

- Je suppose que c'était mon destin de voir tout ça. Dit-elle faiblement et en posant sa tête sur mon épaule. Chéris ta maman, Caleb. Car lorsqu'on les perd, c'est une tout autre douleur...

Elle allait continuer mais s'arrête à mi-mots, comme si elle avait dit une bêtise. Je ne cherche pas à en savoir plus, je me contente d'être là pour elle... comme un ami. Et voyant sa réaction, je suis conscient qu'elle avait besoin que quelqu'un soit là pour elle.

- Je suis désolé d'être un fardeau. Me dit-elle. Je sais que tu veux seulement que je travaille, et je suis là à me morfondre.

- Tu n'es pas un fardeau. Tu te sens mal, et je suis là. Lui assurais-je. Je ne suis pas dépourvu de sentiments, tu sais. Je...

Et la sonnerie de son téléphone m'interrompt. Je me soucie de toi, j'allais lui dire.

- Mon père... Dit-elle en prenant le téléphone.

Je fronce les sourcils. Je l'avais oublié. Syra lui répond, et je lui demande de mettre sur haut-parleur.

- Allô, baba. Dit-elle.

- Syra, j'ai essayé de t'appeler toute la journée. Où étais-tu ? Demande-t-il.

- Je... dormais, baba.

Il lui fait un rire moqueur et méprisant.

- Tu ne fais rien, donc ? Cela ne m'étonne pas de toi. Tu n'es qu'une bonne à rien -

- Baba... Dit-elle faiblement. Ne dis pas ça, s'il te plaît.

Ma colère triple. La voir le supplier de cette façon me fait fulminer. N'importe quelle personne ayant un minimum de bonté se serait excusé mais lui, continuait :

- Que je ne dise pas quoi ? La vérité ? Je ne sais pas ce que j'ai fais pour qu'Allah me donne-

Je n'en pouvais plus. Je prends le téléphone de Syra et raccroche.

- Ne lui répond plus. Lui dis-je. Tu as besoin de réconfort, et s'il ne sait pas t'en donner, alors sa présence est inutile.

Elle me regarde tristement. Je me demande si sa mère est comme son père. Elle allait me répondre quelque chose avant que la porte ne s'ouvre. Keyaan, Hayden et Kaysan sont ici.

- Faites-nous de la place. Dit Hayden en entrant dans la chambre.

Je les regarde en fronçant les sourcils. Ils avaient tous en main quelque chose. Des pop-corns, des DVD et une télécommande. Mon air s'adoucit légèrement lorsque je comprends ce qu'ils comptent faire. Mais Syra, elle, était perdue.

- On a vu que tu n'allais pas bien. Lui dit Keyaan.

- Alors on veut essayer de te remonter le moral. Continue Kaysan.

Hayden déplaçait les canapés afin qu'ils soient près du lit, et il allume la télévision avant de mettre un film. Pendant tout ce temps, Syra avait le sourire aux lèvres.

- Regardons un film d'horreur. T'es d'accord, Syra ? Demande Hayden.

Elle hoche la tête alors il lance le film. Et je me rends compte que j'avais tort. Non, ni Hayden ni Keyaan ni Kaysan n'étaient attirés par elle. Ils l'intégraient seulement à notre famille. J'ignore si c'est une bonne idée, mais il semble que c'est ce dont elle a besoin pour le moment.

Les rires fusent dans la chambre à chaque passage du film, censé être effrayant. Et pendant que tout le monde était distrait, Syra se penche vers mon oreille et me murmure :

- Je continuerais à te détester, demain.

Je ris légèrement puis hoche la tête.

- Mais je te serais à jamais redevable pour aujourd'hui. Continue-t-elle.

Je tourne la tête vers elle et lui souris. Sincèrement. Peut-être que ça lui prendra du temps, mais elle finira par comprendre que mes intentions envers elle sont bonnes... et à ce moment-là, nous verrons jusqu'où nous mènera l'avenir.

La Rose d'un CriminelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant