45.

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Je me réveille à cause de mon téléphone. Quelqu'un m'appelle dessus. Mon "père". Je ne réponds pas, n'ayant aucune force. La date d'aujourd'hui est le 26 juillet. Aujourd'hui, cela fait dix-neuf ans que j'ai perdue mes deux parents. Je veux seulement dormir, pour que la souffrance de cette journée soit brève.

Je pose la couverture sur ma tête, et ferme les yeux, tentant de me rendormir. Mais je n'y arrive pas. J'ai une énorme douleur au cœur. Comme s'il était compressé... je gardais les yeux fermés quand j'entends la porte s'ouvrir, et quelqu'un s'approcher. Je ne bouge pas. Et la personne pose sa main sur mon front, avant de la retirer.

- Syra ? Entendis-je.

J'ouvre lentement les yeux en entendant la voix de Kaysan. Il n'est jamais entré dans ma chambre, avant... je me relève un peu pour voir ce qu'il me veut.

- Je viens voir si tu vas bien. M'explique-t-il. Tu n'as pas l'habitude de te réveiller aussi tard.

- ... C'est juste que... je suis très fatiguée aujourd'hui. Dis-je faiblement. Est-ce que je peux me reposer ? Juste pour aujourd'hui...

Il hoche doucement la tête.

- Mais d'abord descends prendre ton petit-déjeuner, ensuite reviens te reposer. D'accord ? Me propose-t-il.

Je hoche la tête, n'ayant aucune force de protester. Je lui dis que je vais me laver, et il répond qu'il m'attendra en bas. Je rentre dans la salle de bain et me douche rapidement, sans grande envie.

Mama.

Baba.

Pourquoi ne revenez-vous pas ?

J'ai encore besoin de vous.

Maya a besoin de vous.

Je ferme les yeux, en sentant l'eau chaude sur ma peau. Et mes larmes se confondent avec l'eau. Il y a dix-neuf ans... j'ai vécue mon pire cauchemar. Après ce jour, plus aucun cauchemar ne m'a fait peur.

Je me recroqueville contre le camion de glace, la tête baissée, les yeux fermés. Je ne comprenais pas ce qu'il se passait. J'avais peur. Et baba et mama ne me répondaient pas. Ils dormaient.

- Il y a une petite fille, ici !

J'ouvre les yeux et vois les hommes en uniforme blanc, des policiers. Ils s'approchent tous de moi et vérifient que je vais bien.

- Où est mama et baba ? Leur demandais-je.

Ils se regardent tous, dans un silence plombant. Ils balbutiaient des mots jusqu'à ce que l'un d'eux prenne réellement la parole.

- Ils sont partis au paradis.

Je descends les marches des escaliers en repensant à ce moment. Ils sont partis au paradis. J'avais alors cherché jour et nuit où était le paradis, je voulais y aller. J'attendais devant la fenêtre de l'orphelinat, espérant que mes parents me reviennent. L'hiver est passé. Le printemps est passé. L'été est passé. L'automne est passé. Mais ils ne sont jamais revenus.

Pendant un cours d'éducation islamique, notre professeur nous avait parlé de l'au-delà. Du paradis et de l'enfer. Et j'ai pleurée. J'ai criée. Parce que j'avais compris. Mes parents n'allaient pas revenir, parce qu'ils sont morts.

- Syra ? Tu vas bien ? Me demande Caleb en s'asseyant face à moi.

Je hoche la tête, les mots ne sortent pas. J'aimerais tellement ouvrir ma bouche, parler et libérer ce que cache mon cœur. Mais je ne peux pas. Parce que je n'ai personne. Maya est terriblement seule. Je n'ai personne à qui raconter mes problèmes. Je n'ai personne qui me réconfortera.

- J'ai tout préparé pour toi, Syra. Me dit Kaysan. Allez, mange quelque chose.

Je me force à prendre un morceau de pain et manger un bout. Si seulement mon chef était là... il prenait soin de moi. Il ne me laissait jamais seule, il m'écoutait parler de mes parents jusqu'au soir, sans rien dire.

Et si seulement c'était moi, qui était partit ce jour-là.

- Je n'ai plus faim. Dis-je d'une voix faible. Je remonte dans ma chambre.

Je me lève ensuite de table. Caleb allait se lever mais Kaysan le retient. Honnêtement, je ne sais pas si j'ai besoin d'être seule ou si j'ai besoin que quelqu'un, peu importe qui, me prenne dans ses bras et me dise que tout ira bien.

Soudain, mon téléphone jetable se met à sonner. Je me lève pour le prendre puis m'enferme encore dans la salle de bain.

- Chef ?

- Maya, ma fille... Tu vas bien ? Me demande-t-il.

- ... Je pense. Mentais-je. J'essaie de prendre sur moi.

Je l'entends soupirer.

- Je me déteste de te dire ça, mais tiens bon. Me dit-il tristement. C'est dur... mais ta mission passe avant.

Je le sais. Même si je le sais, la douleur ne part pas. Je n'arrive pas à me reprendre.

- Je ferais de mon mieux, chef. Soufflais-je. Je ne vous décevrais pas.

Il m'encourage encore, avant de raccrocher. Je cache le téléphone, avant de me regarder dans le miroir.

- Je dois le faire. Me chuchotais-je. Il ne reste plus que quelques heures... et c'est terminé. Je vais bien. Je vais parfaitement bien...

Je vais bien.
Je vais bien.
Je vais bien.

Je me le répète encore et encore. Je me passe de l'eau sur le visage, et force un sourire. Tu vas bien, Maya. Tu vas bien. Mais tout est si faux. Ce sourire m'est insupportable. Je n'en peux plus.

- Je ne vais pas bien. Dis-je la voix brisée. Je ne vais pas bien du tout.

Et j'éclate en sanglot. Mon Dieu, c'est tellement tellement dur. Le plus dur est que je ne me rappelle plus de leur voix. Leur voix a disparu de ma mémoire. Et je n'ai rien qui puisse me le faire rappeler... ça me détruit intérieurement. La seule chose dont je me souviens est leur apparence.

- Syra ?

Caleb est là. Je pose ma main sur ma bouche pour ne pas faire de bruit, pour qu'il n'entende pas mes pleurs. Mais cela ne l'arrête pas puisqu'il continue de toquer à la porte. Et face à mon silence, il frappe de plus en plus fort jusqu'à la briser.

- Syra ? Dit-il avec surprise.

Je retire alors ma main. Il a vu ma vulnérabilité... Et malgré ma haine pour lui, lorsqu'il s'approche, je me trouve à l'enlacer et pleurer dans ses bras.

- Tout ira bien... me chuchote-t-il. Tout ira mieux, Syra. Je peux te le promettre.

Et je me mets à pleurer encore plus. J'avais besoin... j'avais besoin de ces mots. Je ne sais pas si ces paroles sont vraies, mais je voulais l'entendre. Et il ne me pose pas de questions. Il ne demande pas ce qui m'a mise dans cet état. Il attend. Il attend que je m'ouvre de moi-même.

Peut-on ressentir de la gratitude envers son ennemi, Caleb ?

Peut-on vouloir ne plus détester son ennemi, le temps d'un instant, pour pouvoir pleurer dans ses bras ?

Puis-je ne pas penser à mon envie de t'emprisonner, rien que pour aujourd'hui... ?

Puis-je ?

La Rose d'un CriminelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant