1. Samedi pluvieux

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C'était en 2016. Et c'était un samedi pluvieux. 

Non pas que ce soit une chose rare à Londres mais je me rappelle m'être dit que le gris du ciel se mêlait parfaitement aux photographies que j'étais en train de contempler.

Mon ami Niall, que je connaissais depuis quelques mois et pour qui j'avais eu un vrai coup de cœur amical, m'avait tanné pour l'accompagner à une vernissage à la galerie Woom. Sa petite amie de l'époque, je ne me rappelle même plus son prénom, n'étant pas là, il avait envie d'y aller, mais pas tout seul.

De mon côté, je n'étais pas très chaud pour sortir : cela voulait dire me préparer un minimum étant donné que des photographes seraient sûrement là.

À l'époque, je bossais à fond sur mon premier album et les journées étaient aussi longues que les nuits courtes. 

La veille encore, la séance d'écriture intensive s'était terminée à 3 heures. J'aurais donc bien passé mon samedi midi à faire un plateau-télé sur mon canapé, plutôt qu'à manger des canapés servis sur un plateau.

Mais Niall n'était pas de cet avis.

- Regarde, tu vas adorer, avait insisté mon ami, faisant dérouler sur son portable des images du photographe qui exposait, Vitallo Constanti.  Steuplé Harry, steuplé !

C'est vrai que son travail - du moins pour ce que j'en apercevais - ne me laissait pas insensible et je finis donc par me laisser convaincre.

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Après m'être habillé décemment, il était un peu plus de midi quand nous arrivâmes à la galerie. Délesté de mon manteau laissé au vestiaire, une coupe de mimosa dans la main, nous déambulions dans les trois salles, mon pote me tenant par le bras.

Comme souvent, l'exposition n'était qu'un prétexte pour les différents acteurs du monde culturel - directeurs de galerie, photographes, journalistes, artistes - de se revoir ou de se rencontrer, de nouer des contacts et de se divertir. 

Tous les deux mètres, j'étais ainsi interrompu par quelqu'un qui me saluait et venait me parler. On voulait savoir ce que j'allais faire maintenant que le groupe avait été mis sur pause, si j'avais des projets au cinéma et d'autres questions encore plus farfelues. Heureusement, on était aussi tombés sur des amis, avec qui nous conversions depuis une demi-heure.

- Qu'en pensez-vous Harry ?

C'est lorsque la journaliste du magazine "Art" me questionna sur l'exposition que je me rendis compte que je n'y avais, en fait, pas réellement prêté attention. Habitué à répondre à la presse, je bafouillais quelques mots qui semblaient toutefois lui convenir et elle s'éloigna en me remerciant.

Mais j'étais quand même pris de remords : il y avait, contre ces murs, le travail d'un artiste qui méritait qu'on s'y attarde. Un nouveau verre dans la main, j'entrepris donc de faire le tour des photos.

J'avais compris pendant les discours que l'Italien était réputé pour ses portraits de stars en noir et blanc. Je connaissais le travail du studio Harcourt et ses portraits surannés. Le travail de Constanti était différent.

Il prenait les célébrités sur le vif ou dans des poses ultra travaillées. Certains clichés confinaient aussi à l'intime, comme cette photo qu'il avait prise de David Bowie en 2013 tandis qu'il était littéralement sur ses toilettes. L'image me fit sourire. Je me disais qu'elle irait bien dans mes wc justement,  comme une mise en abyme. 

Mais pile au moment où je contemplais la photo, une salariée de la galerie s'approcha d'elle et déposa dans le coin inférieur droit une gommette rouge. La photo venait de trouver un acheteur.

L'acteur que j'aimais || LARRY Où les histoires vivent. Découvrez maintenant