70. Le plomb en or

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LOUIS PDV.

Je tends une nouvelle bière à mes potes et me rassieds dans le fauteuil de mon salon. Oli, Luke et Sebastian sont là et ça fait vraiment du bien de les retrouver.

Oli, je le connais depuis tout gosse. C'était un pote à Raphaël et on ne s'est jamais quitté. Luke, je l'ai rencontré quand avec Oli, on s'est installés aux States. On fréquentait le même bar au pied de notre immeuble. Second coup de foudre amical. Tous les trois, on est rapidement devenus inséparables.

Seb, c'est sur le tournage de "Sous son regard" que j'ai appris à la connaître. Si, les premiers mois, on s'est envoyé plusieurs fois en l'air, aujourd'hui, on n'est juste potes. De très bons potes même, et on s'est tous les deux fait entrer dans nos cercles d'amis respectifs.

Oli et Seb sont en train de s'affronter à Fifa quand Luke se tourne vers moi pour me demander :

- T'as préparé un discours pour les Oscars ou tu vas improviser ?

La cérémonie est dimanche 12 mars, dans 3 jours. J'ai conscience de faire partie des favoris. La presse n'arrête pas de le répéter. C'est vrai que le rôle de Tom Wagner était complexe, à la fois brut de décoffrage et tout en nuances. Il a fallu le jouer avec subtilité, créer ce mélange d'écorché vif, de personnage sombre mais duquel transpirait, parfois, un peu d'humanité, de lumière. Pas beaucoup. Il fallait que ce soit fugace, juste le temps d'un regard, d'une micro-expression sur le visage. Juste assez pour que le spectateur puisse se dire qu'il y avait bien un homme sous cette carapace. Juste assez pour qu'il puisse s'y attacher avant qu'il leur plante un couteau dans le dos en faisant sortir le monstre en lui.

C'était difficile de jouer tout cela, mais tellement galvanisant. La statuette des Oscars, bien sûr que j'en rêve. Je me dis que ça conclurait de la plus belle des manières cette aventure qui fut quand même éprouvante. Je me dis, aussi, que mon père serait fier de moi.

- Ouais, j'ai bossé un texte. Tu sais, c'est un mythe, les acteurs qui montent sur scène en disant "houlà, je n'ai rien préparé, je ne m'y attendais pas !", je rigole dans ma bière.

Moi j'ai planché toute une soirée sur mon discours. Je pense qu'il est prêt.

- On peut l'écouter ou tu préfères le garder secret ? me demande Oli, qui a mis pause sur leur partie de foot.

- Je veux bien vous le lire, comme ça, vous me direz ce que vous en pensez. Je vais le chercher.

Je file dans ma chambre et récupère la feuille pliée en quatre que j'ai rangée dans ma table de nuit. Quand je reviens au salon, mes trois potes sont déjà prêts à m'écouter religieusement.

Je me rassieds et m'apprête à lire quand Seb s'exclame :

- Non, non, debout ! Comme si c'était vrai !

Alors je le prends au mot. Je me relève comme si mon nom venait d'être prononcé. Je joue le mec ému mais digne, je fais mine de reboutonner ma veste de costume en me levant et je fais quelques pas dans le salon avant de me retourner vers mon public en toussotant, l'air incrédule.

*

"Vous ne pouvez pas imaginer ce que ça représente pour moi de me tenir aujourd'hui devant vous. Pour le petit Français qui avait 14 ans, qui faisait le mur et loupait les cours pour aller au cinéma. On était en 2005 et je me souviens de la claque visuelle que j'ai prise devant Charlie et la chocolaterie et V pour Vendetta. De mon envie d'être tout à coup Américain quand j'ai vu Jarhead, la fin de l'innocence et Coach Carter. C'était aussi l'année de Brokeback Mountain, que j'ai réussi à voir en trompant le personnel du cinéma, achetant une place pour Nanny Mc Phee et je me suis faufilé dans la "mauvaise" salle. Et bon ben, je ne sais pas vous mais moi, j'en suis ressorti en sachant que je n'aimais définitivement pas les femmes, haha. Sans vous manquer de respect mesdames !

L'acteur que j'aimais || LARRY Où les histoires vivent. Découvrez maintenant