57. À la croisée des chemins

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- Je crois que je dois le quitter.

- Pourquoi croyez-vous cela ?

- Parce que je ne le rends pas heureux.

- Comment savez-vous cela ?

- Il me l'a dit.

- Il vous a dit "Louis, tu ne me rends pas heureux ?"

- Non, mais il a dit que je le rendais heureux à 65 %.

- Votre ami vous dit que vous le rendez heureux à 65 % et vous en concluez que vous ne le rendez pas du tout heureux ? Vous avez conscience que 65, c'est loin de 0 ?

- Ouais mais c'est aussi loin de 100.

- Cela reste plus proche du 100 que du 0. Les mathématiques sont implacables.

- Hum.

- Pourquoi votre ami a-t-il décidé de quantifier son bonheur ?

- C'est moi qui lui ai demandé, sur une échelle de 0 à 100, où il se situait.

- Pourquoi cette requête ?

- Je ne sais pas. On ne parle pas beaucoup de ces choses là. Je-

- Vous voulez dire des sentiments ? Vous ne parlez pas beaucoup de sentiments ?

- Ouais, ça. Donc, ce soir-là, on avait un peu bu et ça m'est venu comme ça. Je voulais avoir une idée, savoir s'il était quand même heureux avec moi.

- Vous avez dit "quand même", pourquoi ?

- Parce que je sais que je ne suis pas un cadeau. Alors je voulais savoir si malgré tout, il était, je ne sais pas, satisfait de la situation.

- Vous dites "satisfait" mais c'est le mot "heureux" que vous utilisiez au début de notre conversation. Ce n'est pas la même chose.

- Oui, heureux.

- Son bonheur vous importe ?

- Oui, bien sûr. Harry, c'est comme ça qu'il s'appelle, il-il mériterait d'être heureux à 100 %. Et moi je ne peux pas lui offrir ça.

- Pourquoi vous ne pouvez pas ?

- Je-je- Vous savez bien.

- Non, dites-moi ce qui, selon vous, vous empêcherait de le rendre heureux à 100 %.

- Ben, déjà la drogue, les autres mecs, tout ça.

- Vous vous soignez pour votre addiction, vous n'avez pas replongé, n'est-ce pas ?

- Non, non pas du tout.

- Et vous m'avez dit la dernière fois que, depuis que vous vous étiez rapproché de votre ami, vous aviez arrêté de sortir et de coucher avec des inconnus et que cela ne vous manquait pas.

- Oui, mais je vais bien finir par tout faire foirer. Comme d'habitude.

- Ça, c'est ce que vous craignez. Cela ne veut pas dire que ça va forcément arriver, Louis. Quoi d'autre ? Qu'est-ce qui vous empêche selon vous de rendre votre ami heureux ?

- Je-je ne sais pas si je peux, et si je veux, retomber amoureux.

- Il y a plusieurs choses intéressantes dans votre phrase. Commençons par le début. Vous avez dit "je ne sais pas si je peux". Qu'est-ce qui vous en empêcherait ?

- Raphaël.

- On en a déjà parlé Louis. Raphaël aurait sûrement voulu vous savoir heureux. Les personnes endeuillées ont droit à une - ce n'est pas très délicat ce que je vais dire - deuxième chance. Elles ont le droit de retomber amoureuses. Cela n'empêche pas de toujours chérir la personne décédée. Vous aimez visiblement parler en quantité : vous pouvez aimer quelqu'un d'autre sans moins aimer la première personne. On n'a pas 100 unités d'amour à distribuer et à diviser entre les différentes personnes qu'on aime. Vous avez aimé Raphaël à 100 %. Demain, vous pourrez aimer quelqu'un d'autre à 100%. Raphaël aura toujours ses 100%. Vous comprenez ?

L'acteur que j'aimais || LARRY Où les histoires vivent. Découvrez maintenant