82. Retenir la nuit

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La pièce plongée dans le noir, j'écoute Louis respirer profondément. De longues minutes se sont déjà écoulées mais je reste couché sur le dos, mon coude replié derrière ma tête, mon être entier suspendu à celui qui se trouve à côté de moi et qui inspire et expire à un rythme régulier.

Comment fait-il pour dormir alors qu'on est couché lui et moi dans le même lit ?

Sans le toucher, je sens la chaleur qui émane de son corps et ça ne me donne qu'une envie : me blottir contre lui.

Je n'ai pas besoin de lumière pour me souvenir qu'il se tient juste là, en boxer. Il suffirait que je bouge de quelques centimètres seulement pour que mes doigts effleurent la peau de ses mollets ou l'arrière de ses genoux. Je me fais violence pour ne pas céder à la tentation et avancer mon bras vers lui.

Je me contente de l'écouter et cale ma respiration sur la sienne. Ça m'apaise de savoir Louis tout près, même si je me maudis intérieurement pour lui avoir demandé de se coucher dans l'autre sens. Si j'avais été moins idiot, je sentirais peut-être son souffle s'échouer dans mon cou.

Quelque chose que j'adore.

Non, que j'adorais.

Peu à peu, mon rythme cardiaque ralentit et mon corps bascule naturellement sur le côté alors que je commence à m'assoupir.

******

Je ne sais combien de minutes se sont écoulées quand je rouvre en grand les yeux. Louis est en train de s'agiter dans son sommeil. Il fait souvent ça, je reconnais les signes.

Ses jambes ont commencé à bouger et sans faire exprès, il vient de me donner un petit coup dans le dos. Cela ne l'a pas réveillé pour autant. Son corps entier continue à tressauter, comme s'il était traversé par de petits spasmes. Il est en train de faire un cauchemar.

Il souffre dans son sommeil et, par instinct de protection, il vient de se rouler en boule. Il me tourne le dos, le corps recroquevillé sur lui même. Sa respiration est plus erratique. Sa tête est prise de soubresauts et un premier "non" tout faible s'échappe de sa bouche.

Quand on était ensemble, cela lui arrivait de temps en temps. Et c'était toujours la même chose.

Il rêve de Raphaël.

Soit de son accident, soit de l'appel qu'il a reçu pour lui annoncer, soit du moment où ils l'ont débranché à l'hôpital, soit de l'enterrement. Mais c'est sensiblement toujours la même dynamique : il rêve qu'il le perd. Ou plutôt il cauchemarde.

Il cauchemarde de la perte. Il revit ce moment où il se retrouve tout seul, sans l'être qu'il aime le plus au monde.

Quand on était ensemble, j'avais l'habitude de me blottir contre lui et de le serrer très fort pour l'apaiser. Parfois, il se réveillait et me rendait mon étreinte. Parfois, il restait profondément endormi mais se calmait instantanément à mon toucher.

J'hésite à me retourner et à faire comme d'habitude. Ça me fait bizarre de dire "comme d'habitude".

Est-ce que je peux faire ça même si on n'est plus ensemble ?

Un nouveau "non" triste et désespéré s'échappe de la bouche de Louis et cela finit de me convaincre. Je ne supporte pas de savoir qu'il souffre, même de manière inconsciente.

Je me retourne et m'apprête à poser ma main sur ses jambes quand Louis s'agite à nouveau et parle dans son sommeil. Il ne parle pas distinctement mais je comprends quand même ce qu'il vient de dire.

- "Me laisse pas bébé".

Mon corps se fige. C'est moi, bébé. Ce n'est pas Raphaël. Il ne l'appelait jamais comme ça. Je sais qu'il l'appelait "amour" et "cariño", c'est ce qu'il répète quand il rêve de lui.

L'acteur que j'aimais || LARRY Où les histoires vivent. Découvrez maintenant