66. L'homme mystérieux

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Harry
Louis

J'ai l'impression de vivre un rêve éveillé. J'ignore si c'est lui qui est sorti de la photo ou si c'est moi qui viens de plonger en elle. Mais le garçon du portrait se tient bel et bien devant moi.

Il m'a coupé la parole la première fois que j'allais le dire, mais il faut vraiment qu'il le sache.

- T'es trop beau putain, je lâche dans un souffle, ayant du mal à garder mon calme.

Un petit sourire se forme à l'angle de sa bouche mais Louis reste dans son personnage.

Il reste le garçon ténébreux et mystérieux de la photo, différent de mon copain. Le garçon que je ne connais pas et qui fume son petit cigare en me jetant des regards sans équivoque, comme s'il allait faire de moi son quatre heures.

Comme s'il avait l'habitude de faire ça. De provoquer les hommes. Comme si j'étais un parmi cent.

- Bouge pas !  je lui dis avant d'ouvrir la menotte pour me détâcher de la corde. Je bondis de l'échelle et sors rapidement de la chambre. Bouge surtout pas ! Je répète alors que je cours à travers le couloir et file jusqu'au salon.

******

T'inquiète pas bébé, je ne sais pas ce que tu fabriques mais je ne vais pas bouger d'un millimètre. Pas quand tu me regardes comme ça.

Comme on ne m'avait encore jamais regardé.

Je savais que ça lui plairait que je donne vie à la photo mais je n'imaginais pas à ce point. J'ai cru que sa mâchoire allait se décrocher quand il m'a vu.

L'idée m'est venue comme ça, il y a deux ou trois jours.

J'étais allongé dans son lit en train de manger des chips - chuuut, il me tuerait s'il le savait - et je réfléchissais à ce que je pourrais bien lui prendre pour son anniversaire avant qu'il ne soit de retour en Angleterre. Il a déjà tout ce qu'il faut, tout ce qu'il veut, donc la tâche n'était pas aisée.

Machinalement, j'ai regardé le portrait de moi accroché au mur et je lui ai dit :

- Tu lui prendrais quoi, toi ?

Ça me faisait vraiment bizarre, au début, de me voir en énorme comme ça dans sa chambre.

Plusieurs fois, j'ai essayé de négocier avec Harry pour qu'il vire le portrait maintenant qu'il m'avait en chair et en os. Mais il n'a jamais voulu l'enlever.

- Il est trop beau ce cliché et puis, c'est pas pareil, il me répétait inlassablement.

Je ne comprends pas ce qui n'est pas pareil mais, pendant longtemps, j'avais bon espoir d'avoir un jour gain de cause et qu'il le dégage.

Mais depuis qu'on a écrit notre déclaration d'amour sur la vitre, je sais pertinemment qu'Harry ne s'en débarassera jamais.

Alors j'ai fini par m'habituer... à moi-même. Même si me voir plus jeune me rappelle ô combien j'étais plus frais à l'époque !

Parfois, je m'amuse à coller des trucs sur la photo pour faire rager Harry et parce que me tourner en ridicule m'aide à davantage accepter cette photo plus grande que moi.

Dernièrement, j'ai par exemple collé le dessin d'une fausse moustache à la Salvador Dalí au dessus de ma lèvre. La fois d'avant, j'avais collé le dessin d'un haut de maillot de bain féminin en forme de coquillages sur mon torse. La fois encore d'avant, j'avais remplacé le cigarillo par un baton de dynamite.

L'acteur que j'aimais || LARRY Où les histoires vivent. Découvrez maintenant