Chapitre 12: Maintenance en cours

11 3 0
                                    

Le bras mécanique de la salle de maintenance contrôlé par Astro asséna une pichenette à l'arrière du crâne d'Airi. Cette dernière ne put contester. Elle était allongée sur la table de réparation de NOVAE, empêtrée dans les câbles électriques qui maintenaient ses fonctions actives. Son corps était dans un état tel que le robot chargé de sa maintenance ne savait même pas par où commencer. Sa peau avait entièrement fondu sur ses membres. Ses cheveux avaient brûlé. Une partie de son visage avait été arrachée. Son squelette interne était en miettes et menaçait de s'effondrer sous son propre poids à chaque instant. Plus que jamais, l'expression « tas de ferraille » lui convenait. Airi ne ressemblait plus à rien. C'était un miracle qu'aucun de ses composants vitaux n'ait été endommagé.

Astro, bouillonnant de colère, lui montrait sur son écran les images de son « exploit » qui tournait en boucle sur toutes les chaînes de télévision. Les caméras de surveillance avaient filmé l'entièreté de son affrontement contre Jonathan Maccafi, sans en capter le son. Cependant, voir une machine se battre avec un humain avait aussitôt provoqué l'indignation générale. L'AVO s'était immédiatement saisie de ce fait pour à nouveau alerter sur les dangers de la technologie, et le retour urgent d'un contrôle plus strict des androïdes.

Heureusement pour elle, Airi avait également reçu le soutien de tous les collègues qu'elle avait secourus en intervenant à temps. Ils argumentaient qu'elle et les autres AIntelects avaient pu s'introduire dans des zones qui auraient été inaccessibles aux pompiers, et avaient par conséquent pu sauver de nombreuses vies, y compris celle du directeur. Même si Turing était plongé dans le coma, les médecins disaient qu'il allait s'en sortir.

De plus, l'enquête avait rapidement conclu à un incendie criminel. Maccafi avait été aussitôt inculpé, ce qu'avait confirmé l'équipe informatique de l'ESA. Ainsi, Airi, qui avait déjà alerté sur la nature du problème plus tôt dans la journée, avait été acclamée pour son héroïsme.

Malgré l'apparente fin heureuse, cet épisode dramatique avait plus que jamais divisé la société. Une moitié voyaient là la preuve que les AIntelects devaient être déployés en grand nombre, et que le programme Asimov n'était qu'un frein à l'aide potentiel qu'ils pouvaient apporter à l'humanité. L'autre, au contraire, réaffirmait que le jour où les robots remplaceraient complètement les êtres humains était proche, et que ce n'était qu'une question de temps avant que d'autres subissent le même sort que Jonathan Maccafi.

Malgré elle, Airi était devenue l'une des figures de proue du mouvement pro-AIntelect, tandis que Maccafi était érigé en martyr par l'AVO et ses supporters. Et ça, Astro ne le digérait pas.

— Sérieusement, je peux savoir ce que tu avais derrière la tête ? Tu te rends compte que ça aurait pu très mal se terminer, cette histoire ? gronda-t-il tout en tournant en rond pour évacuer son anxiété. Non, mais je rêve ! Regarde-toi. Tu es dans un état déplorable.

— Si je n'avais rien fait, le directeur serait mort, rétorqua Airi, en utilisant les haut-parleurs du terminal pour s'exprimer.

— Je ne parle pas de ça, trancha le petit robot. Tu n'avais aucune raison de te battre comme ça avec l'autre abruti. Tu as eu plein d'occasions de t'enfuir, mais tu as préféré perdre ton temps dans une joute verbale inutile qui aurait pu te coûter la vie, et celle de Turing par la même occas ». Donc, non, ton intention première n'était clairement pas de le sauver.

Silence. Seul le crépitement des appareils de soudure résonna dans la grande pièce. Astro avait raison. Jamais elle n'aurait dû rentrer dans le jeu de l'informaticien. Si elle avait été vaincue, elle aurait emporté le professeur Turing avec elle dans sa tombe — ou plutôt à la décharge. Avec le recul, elle trouvait son comportement du moment totalement insensé, et indigne d'une AIntelect de son calibre, censé privilégier la logique et le raisonnement avant tout.

Cogito Ergo VivoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant