Chapitre 40: N'oublie jamais

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« Yop, Iris ! Comment ça va ? Si tu vois ce message, c'est qu'on a dû partir vivre chacun de notre côté et que j'ai été trop peureuse pour te dire ces mots en face. Au fait, j'enregistre tout ça le 24 mars 2114. À cette époque, on venait d'entrer à l'université, tu te souviens ? Je me demande ce qu'on est devenues depuis le temps. Est-ce qu'on a été diplômées ? Est-ce qu'on se parle encore, même ? Si tu regardes ça alors qu'on s'est fâchées... Ça serait trop la honte ! Si c'est le cas, pitié, arrête maintenant...

Mais sinon, j'imagine qu'on a fini par se séparer parce que tu t'es mariée ou que tu as déménagé à l'autre bout de la France. Je suis sûre que tu as dû trouver un mec top ! De toute façon, si je ne l'avais pas approuvé, tu n'aurais jamais pu l'épouser. Je suis ton bouledogue, après tout.

Et moi, alors ? J'en suis où ? Est-ce que je suis devenue la plus grande juge des enfants de tous les temps ? Ou bien... Je suis morte ?! L'horreur ! Dis-moi au moins que j'ai eu une morte épique, genre en sauvant des gamins pris en otages dans une école. Parce que si je suis tombée dans les escaliers...

Bref, je m'égare encore et c'est pas vraiment le sujet. J'essaie de repousser le moment parce que j'ai vraiment trop honte de ce que je vais te révéler... Du coup, je vais plutôt divaguer toute seule. Si tu as la flemme, je te mettrai un timecode pour que tu puisses sauter directement aux explications du pourquoi du comment ce message. Sinon, c'est parti pour le monologue long et ennuyeux de CC !

C'est ce que j'aurais dit si j'avais préparé un truc, mais je suis nulle pour ça. J'ai juste envie de te parler à cœur ouvert, sans la gêne de voir tes réactions en direct. Je ne sais même pas par où commencer. Ah, si ! T'es au courant que t'es un aimant à problèmes ? Non parce que ça fait trois jours de suite que je dois aller te chercher chez les flics ! Tu le fais exprès ou quoi ? À un moment, ça va super mal tourner et je ne serai plus là pour te sortir du pétrin !

Mais c'est vrai ! C'est pour ça que je voulais te faire cette vidéo, de base ! C'était pour t'engueuler ! Alors, écoute-moi bien, je te préviens que la prochaine fois, je... »

Une coupure fit sauter l'image. Chloé réapparut quelques secondes plus tard, calmée.

« Où est-ce que j'en étais, déjà ? J'ai perdu le fil avec tout ça... Tant pis. De toute façon, tu as toujours été comme ça et on ne te changera pas. Je me souviens quand on s'est rencontrée. Mes potes t'avaient lancé un défi stupide. Et toi, tu les avais crues. Sérieusement, un gymnase secret ? Ne me dis pas que tu as gobé ça pour de vrai. Quoique tu en serais capable... Tu dois te dire que j'ai une image désastreuse de toi, n'est-ce pas ? C'est à moitié vrai. Mais j'ai toujours aimé ton côté fonce dans le tas sans réfléchir. On ne s'attend pas à ce que tu sois comme ça quand on te connait pas. Tu rasais les murs. Tu ne parlais à personne non plus. T'étais comme un fantôme pour nous. Je crois que c'est ce contraste entre ton attitude en public et ta personnalité en privé qui ont fait que j'ai voulu en apprendre plus sur toi. Les filles populaires du collège sont toutes les mêmes. On les remarque en groupe, mais individuellement, elles sont ennuyeuses à mourir. Je ne me suis jamais sentie à ma place avec elles.

Tu sais, j'ai une peur bleue d'être oubliée. Dans ma famille, on ne connait pas nos ancêtres. Pour être franche, j'ai même aucune idée de comment s'appelle mon grand-père. Tu ne trouves pas ça horrible, toi ? Vivre plusieurs décennies sans rien laisser derrière toi ? Moi, c'était ma phobie. Et là, tu dois te demander pourquoi je parle au passé ? Parce que ce n'est plus le cas. Enfin, si. Mourir dans l'oubli sans que personne se souvienne que j'ai existé me terrifie toujours autant. Mais maintenant, je sais que ça n'arrivera pas, parce que je t'ai rencontré.

Comment ça, c'est présomptueux ? Bon, peut-être un peu, j'avoue. Et, en même temps, je suis persuadée que c'est la réalité. Les moments qu'on a passés ensemble resteront gravés dans ma mémoire et je les chérirai toute ma vie. Notre amitié est quelque chose d'unique que rien ne pourra briser. Tu dois te dire que j'ai trop regardé d'animés et que je dois redescendre sur terre, mais je le pense sincèrement. Après tout, on en a surmonté des épreuves, toutes les deux.

Cogito Ergo VivoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant