« Un homme tué par une AIntelect ! », « La révolte des machines en marche ? », « Un innocent fervent croyant lâchement assassiné par un robot », « Le grand remplacement robotique a déjà commencé. »
Tels étaient les gros titres à la une des journaux. Toutes les chaînes de télévision ne parlaient plus que de la mort de Bernard Sodan, tué quelques jours plus tôt. Tantôt présenté comme un militant de l'AVO chrétien de bonne famille, tantôt comme un extrémiste radical consommateur de drogue, tout le monde connaissait désormais son nom et son visage. Cependant, tous les regards étaient tournés sur sa meurtrière, Airi. L'acte de l'androïde aux cheveux rouges, déjà célèbre pour son sauvetage héroïque lors de l'incendie de l'ESA, avait plus que jamais fracturé la société. Les conservateurs voyaient là la preuve que les AIntelects étaient dangereux, et qu'il fallait les interdire à tout prix. Les progressistes, eux, argumentaient qu'elle n'avait fait que protéger son créateur d'un terroriste et qu'elle devait être récompensée à nouveau pour son exploit.
Plusieurs heurts avaient éclaté à la suite de ce drame. Des AIntelects avaient été pendus sur la place publique. Des manifestations pro-IA avaient défilé sur les champs Élysées. Et les deux camps en étaient même venus à s'affronter physiquement durant un rassemblement d'hommages à Sodan.
Cependant, malgré cette fracture, l'opinion penchait en faveur de l'AVO. Les gens craignaient que cette action soit imitée par d'autres AIntelects qui suivraient l'exemple d'Airi. Et, évidemment, le parti politique n'hésitait pas à jouer sur cette peur pour gagner de plus en plus d'adhérents.
Au centre de tous ces débats houleux se trouvait Bertrand Turing. Le chercheur avait immédiatement été placé en garde à vue, dans l'attente de son procès. Il était accusé d'avoir volontairement supprimé le programme Asimov de son androïde et d'avoir créé une arme de guerre. Mais l'homme s'était muré dans un silence de mort. Même son avocat, Simon Weiler, un fervent adepte des AIntelects, n'avait pas réussi à obtenir d'explication de sa part.
Pendant ce temps-là, Airi était conservée dans une cellule ultra-sécurisée dont l'emplacement était gardé secret, dans l'attente de sa destruction. Même si les experts avaient tenté de la redémarrer à plusieurs reprises et qu'aucun de ses composants ne semblait endommagé, elle ne montrait aucun signe d'activité. Son processeur tournait dans le vide. C'était comme si elle s'était elle-même placée dans un mode veille protégé par un puissant mot de passe.
Finalement, le jour du jugement de Bertrand arriva. L'événement historique était filmé par des dizaines de caméras et se déroulait devant une audience de plusieurs milliers de personnes. Le monde entier avait les yeux rivés sur ce le premier procès pour meurtre commis par une intelligence artificielle. Cependant, tous savaient que le verdict était joué d'avance. Julien Osborne, le président de la cour d'assises, était connu pour son hostilité envers les AIntelects et sa sévérité. Il n'avait jamais acquitté personne. Et, au vu de la colère grondante de la société, Bertrand n'allait pas faire exception.
Ce dernier sortit de la fourgonnette, encadré par plusieurs policiers et son avocat. Il était méconnaissable. Sa barbe était devenue blanche à cause du stress, ses joues étaient creuses et son regard éteint. Il n'avait rien mangé depuis trois jours et ses cheveux en bataille lui donnaient des airs de grand criminel.
Le chercheur avança au milieu de la foule qui le huait, la tête basse, puis entra dans le tribunal. La tension était palpable dans la salle. La partie civile, constituée de membres de l'AVO, chefs religieux et de la famille de la victime, dévisageait le scientifique avec haine et mépris. Ce dernier, perdu dans un autre monde, n'y prêta pas attention. Il s'installa simplement à la place qui lui était réservée et attendit son jugement. Par ailleurs, Airi se trouvait non loin de lui, en tant qu'arme ayant servi au crime dont il était accusé. Celle-ci, comme son créateur, n'était présente que physiquement. Elle demeurait éteinte, impossible à réactiver.
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Cogito Ergo Vivo
Science Fiction« Je pense, donc je vis. Même si je possède un cœur d'acier, je suis humaine, tout comme vous. » À l'aube du XXIIe siècle, des androïdes, les AIntelects, sont capables de remplacer les humains dans la plupart des tâches du quotidien. Leur mission es...