Une patrouille de police arpentait les rues de la capitale, à la recherche d'AIntelects clandestins. Le gouvernement avait déclaré l'état d'urgence, accusant les androïdes de conspiration et de prévoir des attaques terroristes pour justifier leurs mesures discriminatoires. Ainsi, toute personne protégeant, hébergeant, ou refusant de livrer des informations sur leurs anciens AIntelects étaient considérée comme dissidente et immédiatement arrêtée. Plus que jamais, la peur s'était installée dans la société. Et cela se ressentait à chaque instant. Les rares travailleurs autorisés à se déplacer après l'heure imposée s'éloignaient instinctivement des forces de l'ordre. Tous les volets étaient fermés, les stores des magasins baissés, les vitrines éteintes. Toute la vie nocturne, les festivités et les rires avaient laissé place au silence et à l'obscurité.
Airi, vêtue d'un long imperméable bleu marine par-dessus une robe sombre qu'elle avait réussi à récupérer dans une maison abandonnée, attendait le moment propice pour sortir. Astro et elles avaient trouvé refuge dans les égouts, là où peu de gens osaient s'aventurer. Par chance, même si l'internet mondial était brouillé pour les AIntelects, l'androïde aux cheveux rouges possédait encore les codes d'accès pour contrôler le satellite Vanguard. Ainsi, elle pouvait aisément cartographier les environs et se brancher sur des fréquences humaines qui lui permettaient d'outrepasser les défenses de l'AVO. Grâce à cette aide venue d'en-haut, les rebelles parvinrent à esquiver les patrouilles et progresser jusqu'à leur objectif sans se faire repérer.
Turing, en tant que créateur d'AIntelect, était assigné à résidence près du Sacré-Cœur, sous haute surveillance de la milice anti-IA. Ironiquement, ces hommes utilisaient des technologies connectées dans leurs armes et équipements. Les maîtriser s'avéra donc être un jeu d'enfant pour Astro. Il pirata simplement leur matériel, envoyant une décharge suffisamment puissante pour assommer un éléphant. Ainsi, Airi et son acolyte purent pénétrer à l'intérieur de l'appartement.
L'AIntelect n'avait pas remis les pieds ici depuis son départ pour NOVAE, trois ans plus tôt. Jamais elle n'aurait pensé revenir de cette manière et surtout, dans de telles conditions. Même si le monde avait changé, tout était comme dans ses souvenirs à l'intérieur du petit T3. Le parquet flottant grinçait à chacun de ses pas. Les murs étaient entièrement recouverts d'étagères sur lesquelles s'entassaient les livres de sciences et boites de jeu vidéo rétro. Le salon, toujours en désordre, reflétait parfaitement la vie du chercheur : rangée et légèrement excentrique. Des meubles très classiques côtoyaient des posters pour des compétitions en ligne qu'il avait jadis gagnés aux côtés de ses trophées. Sur la cheminée, trois cadres photo poussiéreux montraient un couple riant devant les locaux d'Ubisoft, dans une immense salle de tournoi d'eSport ou encore une capture d'écran directement tirée d'un MMORPG de l'époque. Airi n'y avait jamais fait attention lorsqu'elle vivait ici — certainement à cause de ses nombreux bugs —, mais l'avatar de la jeune femme sur la photo était son portrait craché. Elle possédait les mêmes cheveux écarlates, la même forme de visage et un bras robotique terminé par une épée identique à celle que l'androïde avait utilisée à deux reprises.
Astro s'arrêta longuement devant ces témoins d'un autre temps. Airi ne pouvait pas décrypter quelles émotions ces images avaient suscitées chez lui, mais son silence laissait deviner que le père des robots s'était perdu dans ses souvenirs douloureux.
Ce fut finalement un bruit de pas sur le plancher qui tira les deux intrus de leurs rêveries. Ils se retournèrent en sursaut, s'attendant à voir débarquer des membres de l'AVO, mais se détendirent aussitôt. Bertrand Turing leur faisait face en chemise de nuit. Le directeur de l'ESA avait énormément maigri, ses joues étaient creuses, sa barbe hirsute et son teint livide. Il était si différent de l'homme qui avait élevé Airi que cette dernière eut du mal à le reconnaître.
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Cogito Ergo Vivo
Fiksi Ilmiah« Je pense, donc je vis. Même si je possède un cœur d'acier, je suis humaine, tout comme vous. » À l'aube du XXIIe siècle, des androïdes, les AIntelects, sont capables de remplacer les humains dans la plupart des tâches du quotidien. Leur mission es...