An 97 du calendrier martien
Airi scrutait le ciel à travers l'objectif du télescope installé sur le toit du palais impérial. Cela faisait six mois qu'elle avait détecté une activité inhabituelle sur Terre. En effet, les capteurs avaient enregistré un pic de luminosité anormal en provenance de la Russie, ainsi qu'une perturbation du champ électromagnétique de la planète bleue. Pire, le satellite Vanguard, qui lui permettait de garder un œil sur l'humanité, avait cessé de fonctionner sans raison. L'impératrice n'était pas encore parvenue à en déterminer l'origine, même si elle avait sa petite théorie.
Une alarme interrompit l'AIntelect dans ses observations, marquant la fin de sa pause et la reprise du travail. Elle descendit de son perchoir et s'envola vers parlement, situé à une dizaine de kilomètres du palais.
Comme à chaque fois qu'elle survolait la colonie martienne, Airi ne put s'empêcher de sourire en contemplant son œuvre. Elle avait réussi. Elle avait rendu cette planète stérile et hostile habitable. Du moins, pour les AIntelects. En effet, si Mars était un enfer pour les humains, le sol de la jumelle de la Terre était un trésor pour les machines.
Peu après son arrivée, Airi avait déployé les « seeds », des robots au code source vierge, capables de déterminer la manière optimale de survivre. Et cela avait été un succès qui était allé bien au-delà des espérances de l'androïde. En effet, les seeds ne s'étaient pas contenté d'adapter les AIntelects à la vie martienne. Elles avaient également optimisé leur développement afin de leur permettre d'utiliser l'oxyde de fer présent dans les roches comme matière première. Ainsi était née une nouvelle forme de métabolisme, basé sur des complexes organométalliques.
Ces êtres vivants, en tout point semblables aux AIntelects, avaient rapidement colonisé leur environnement, fondé une civilisation et s'étaient organisés en société à la tête de laquelle se trouvait Airi.
Le rêve de la chercheuse était devenu réalité. À présent, tout comme elle l'avait fait avec Chrysantia, elle s'efforçait de maintenir l'ordre et la paix dans son jeune royaume, composé d'un million d'âmes. Contrairement aux humains, pas de conflit pour des bouts de terre ni de désir de conquête. Malgré certaines tensions — elles étaient inévitables — la nature pacifique et rationnelle des martiens leur permettait de vivre globalement paisiblement. Tous savaient qu'ils avaient davantage à gagner en essayant de comprendre l'autre qu'en s'opposant à lui.
Grâce à cette solidarité collective, des centaines de bâtiments grandioses avaient surgi. Les scientifiques étaient même parvenus à réactiver le champ magnétique de la planète rouge et y recréer une proto-atmosphère, dans le seul but d'embellir ces vastes étendues arides et sans vie.
Alors qu'Airi approchait du parlement, les satellites orbiteurs détectèrent l'entrée d'un objet massif dans la troposphère, qui s'écrasa quelques instants plus tard prêt du stade de la capitale. Ou plutôt se posa. Car, il ne s'agissait pas d'un astéroïde ni d'un débris céleste, mais bien d'un vaisseau spatial. Un vaisseau humain, arborant un drapeau inconnu sur ses ailes.
Des curieux s'étaient déjà rassemblés sur le lieu du crash. Astro, qui se trouvait sur place, tentait tant bien que mal de contenir les foules, sans grand succès. Un sentiment d'excitation et d'appréhension flottait dans les airs. Quoi de plus normal ? Même si tous avaient connaissance de l'existence des humains, nul n'en avait jamais vu, car Airi se tenait volontairement à l'écart de son ancien foyer. Cependant, ce jour-là, pour la première fois en 97 ans, elle allait devoir se confronter à nouveau à ceux qu'elle avait abandonnés.
À l'arrivée de l'impératrice, tous se turent et reculèrent. Un silence de mort s'abattit sur la planète. L'androïde déploya sa lance par réflexe. Elle ignorait ce que les terriens étaient venus faire chez elle, mais elle était prête à défendre son peuple en cas d'attaque.
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Cogito Ergo Vivo
Science Fiction« Je pense, donc je vis. Même si je possède un cœur d'acier, je suis humaine, tout comme vous. » À l'aube du XXIIe siècle, des androïdes, les AIntelects, sont capables de remplacer les humains dans la plupart des tâches du quotidien. Leur mission es...