Chapitre 52: La première Airi

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Pourquoi Bertrand empêchait-il Airi d'accéder au terminal ? Pourquoi s'opposait-il à sa création ? Pourquoi s'alliait-il avec l'AVO ? Pourquoi, de tous les humains sur Terre était-il celui qui se mettait en travers de son chemin ?

L'androïde ne comprenait pas. Cet homme, qu'elle avait considéré un jour comme son père, en qui elle vouait une confiance absolue, pour qui elle avait été prête à être effacée, agissait-il de la sorte ?

Le corps d'Airi ne lui répondait plus. Elle était incapable même de détourner le regard de ce visage autrefois si familier et rassurant, mais ce jour-là si effrayant. C'était comme si la simple présence de Turing avait fait bugger tous ses programmes.

— S'il te plait, rends-toi, la supplia Bertrand d'une voix chargée de tristesse. Tu en as assez fait. Tu as prouvé au monde que tu étais vivante. Tu dois arrêter cette folie avant qu'il ne soit trop tard.

— Je... Je...

L'AIntelect bégaya. Son processeur ne parvenait plus à transmettre les informations jusqu'à son haut-parleur.

— La guerre est un fléau engendré par les pulsions destructrices humaines. Tu le sais tout aussi bien que moi, poursuivit le professeur dans un murmure. Tu n'as pas à t'abaisser à ce niveau. Tu es l'être le plus évolué de cette planète. Tu devais être capable de régler les conflits d'une autre manière que par la force.

Un tambourinement violent sur la porte du laboratoire permit à Airi de redémarrer son système et de se reprendre. Les zombies avaient atteint le dernier étage et menaçaient de déferler à tout moment.

— Je n'ai pas démarré cette guerre, parvint à articuler l'AIntelect. Mon seul souhait était de créer un endroit où les AIntelects et les humains pourraient vivre en paix. Mais l'AVO s'y est opposé.

— Je le sais. Et je suis très fier de ce que tu as accompli. Mais tu ne dois pas répondre à la violence par davantage de violence.

— Cela ne concerne plus que moi, professeur, rétorqua Airi en serrant le poing. Je ne peux pas me permettre de laisser ceux qui m'ont fait confiance se faire massacrer. Je les ai entraînés avec moi, je dois les protéger. Astro me l'a fait comprendre lorsqu'il m'a réactivée. Je ne dois pas me sacrifier pour une cause sans avoir la certitude que ce sacrifice aura un réel impact. C'est pourquoi, aujourd'hui, je me battrai jusqu'au bout pour démanteler définitivement l'AVO. Je vous le demande une dernière fois : écartez-vous, ou alors je serais obligée de vous considérer comme un ennemi.

— Tes actions vont provoquer un chaos sans précédent. Le monde ne peut plus tourner sans internet. Tu vas créer des famines, paralyser les hôpitaux et faire disparaître d'un claquement de doigts la quasi-totalité des richesses des pays. Je t'en conjure, renonce à ce projet fou et rejoins-moi. Nous parlerons devant les Nations unies de...

— Si je vous rejoins, il n'y aura plus de monde, trancha Airi. Nous allons arrêter le grand restart prévu par Zerich, mais les mentalités ne changeront pas. Nous sommes déjà allés trop loin en anéantissant la flotte de la coalition. Jamais les gouvernements ne nous laisseront tranquilles. Ils nous traqueront, encore et toujours, transmettant leur rancœur aux générations futures, dans le seul but d'éliminer ceux qui les ont humiliés. Devoir en arriver là m'attriste autant que vous, mais nous avons atteint le point de non-retour. Nous devons... Je dois renverser l'ordre mondial et soumettre la société humaine à nos lois. Seulement ainsi les habitants de Chrysantia seront en sécurité !

Sans autre avertissement, l'androïde déploya sa lance et se jeta sur son créateur. Ce dernier bloqua l'attaque en se saisissant de l'arme entre ses mains protégées par son épais exosquelette.

Cogito Ergo VivoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant