Chapitre 18: Tu es humaine et tu seras jugée comme une humaine

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Airi se tenait sur le banc des accusés aux côtés de Simon Weiler, Bertrand Turing et Astro. Malgré l'agitation et la tension qui régnaient dans la salle, l'androïde continuait à défier du regard le président.

Après un nouvel exposé des faits par le greffier — le même qu'à l'encontre de Turing —, l'AVO témoigna à nouveau contre les AIntelects, avec encore davantage de véhémence. Le mépris et la peur de Zerich transparaissaient clairement dans son discours haineux. Il alla jusqu'à demander la torture d'Airi en guise de châtiment pour son crime, provoquant un tollé général, y compris au sein de ses propres partisans.

Plusieurs autres témoignages de membres de l'AVO se succédèrent par la suite pour prouver la dangerosité des AIntelects et l'urgence de les réguler. L'accusée décida de garder le silence face à ces accusations. Elle ne voulait pas leur donner le plaisir de rentrer dans leur jeu de provocation.

Finalement vint le tour de la parole de la défense. Simon Weiler se proposa pour plaider la cause d'Airi, mais cette dernière lui fit signe de ne pas intervenir. Ainsi, elle monta à la tribune d'une démarche assurée avant de faire à nouveau face à l'assistance. Malgré les cinq heures de débat qui s'étaient écoulées depuis le début du procès, tous attendaient avec impatience d'entendre la voix de cette AIntelect singulière qui osait s'élever contre le système et revendiquer des droits.

— Je ne chercherai pas à nier les faits, entama-t-elle sans tressaillir. Oui, j'ai tué monsieur Sodan de mes mains. Celui-ci menaçait mon créateur, le professeur Turing, avec un révolver. Face au danger imminent, j'ai agi et je l'ai neutralisé. Évidemment, la son décès est terrible et j'adresse toutes mes condoléances à sa famille. Jamais je n'ai jamais souhaité entrer en conflit avec l'humanité. Bien au contraire. J'ai voué les dix années de ma courte existence à servir la société du mieux que je le pouvais. Certains me diront que j'étais programmée pour, et je ne le nierai pas. Cependant, encore aujourd'hui, je n'aspire qu'à un monde meilleur. Malheureusement, tous ne partagent pas ma vision des choses. L'association pour la vie organique veut notre perte, à nous, AIntelects. Et pour cela, elle n'hésite pas à employer les méthodes les plus basses.

Zerich et ses partisans huèrent Airi. Osborne les menaça de les faire sortir et invita l'accusée à poursuivre.

— J'ai été confronté trois fois à l'AVO durant ces derniers mois. La première fois, ils avaient confié à un jeune homme la mission d'injecter un programme malveillant à une Vocaloid et amie, Mirai. Leur but était de la reprogrammer afin qu'elle attaque les spectateurs venus l'écouter.

— Mensonge ! Tu n'as aucune preuve de ce que tu avances ! vociféra Zerich.

À nouveau, Osborne lui intima l'ordre de se taire. Astro rejoignit sa maîtresse sur l'estrade et projeta un hologramme du révolver et de la balle infectée, le tout accompagné du code du virus. Des exclamations outrées fusèrent de toute part.

Airi appela alors Ronan à témoigner de son expérience en tant que membre de l'AVO. Le jeune homme ne mâcha pas ses mots. Il raconta toute son histoire, de sa rencontre avec Élise à son suicide jusqu'à l'emprise mentale qu'on avait exercé sur lui. Il conclut sur ces mots :

— Ce qui a tué Élise, ce n'est ni la concurrence soi-disant déloyale des IA ni sa dépression. Non, elle a été assassinée par la peur du progrès que l'AVO répand à travers ses mensonges et qui amène des grands groupes de musique à doper leurs artistes pour combler un manque qui n'existe pas ! Nous vivons dans un monde qui évolue chaque jour. Nous évoluons chaque jour nous-mêmes. La crainte de l'inconnu est légitime. Mais le refus de chercher à la comprendre et à la surmonter est un crime. Airi a peut-être tué un homme innocent, ou pas. Cependant, qui sait combien de personnes ont été, comme Élise, détruites par l'idéologie de l'AVO ? La partie civile ici présente est la seule que nous devons tenir pour responsable de la mort de monsieur Sodan !

Cogito Ergo VivoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant