Chapitre 24: Confiance

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Iris n'était pas née sous une bonne étoile. Peu de temps après la mort de son père, et alors qu'elle déambulait dans les rues de la capitale pour se changer les idées, un chauffard avait débarqué dans une ruelle. Il tentait d'échapper à la police et avait désactivé le pilote automatique de son véhicule. Dans sa course folle, il avait fauché la petite fille avant de prendre la fuite en la laissant pour morte.

Transportée d'urgence à l'hôpital dans un état grave, Iris se souvenait simplement de son réveil dans sa chambre. Là, elle avait réalisé avec horreur qu'à la place de son bras droit, il n'y avait plus que le vide.

Lorsque le médecin lui avait expliqué qu'il était possible de lui greffer une prothèse en remplacement, la fillette avait accepté sans saisir la réelle signification de ces mots. C'est ainsi qu'après une nouvelle opération, Iris s'était retrouvée affublée d'un bras mécanique en remplacement de son membre arraché.

Si dans les premiers mois après son rétablissement, elle était soulagée d'avoir échappé à un handicap à vie, elle avait vite compris que quelque chose n'allait pas. Comment sa famille avait-elle pu payer un tel bijou de technologie ? Et pourquoi cette prothèse était-elle bien plus performante que tout ce qui se faisait sur le marché ?

Ce n'est qu'en revisualisant par hasard les images du procès d'Airi, un an plus tard, qu'elle réalisa l'horrible vérité : ce bras était celui de l'AIntelect. Sa mère le lui confirma. Puisque l'androïde aux cheveux rouges avait été condamnée à l'effacement, elle avait fait la demande de récupérer ses pièces détachées pour venir en aide à sa fille.

Iris ne put supporter le poids de cette révélation. Même après sa mort, sa famille continuait à s'acharner sur cette AIntelect qui ne demandait qu'à être reconnue comme humaine. L'adolescente s'était alors enfuie pour trouver refuge chez sa meilleure amie, Chloé. Depuis ce jour, elle se cachait sous d'épais vêtements, allant jusqu'à porter des gants en été, avant de recourir à la peau artificielle en silicone.

Elle avait honte de ce qu'elle avait fait. Elle avait l'impression d'avoir profané un cadavre et d'avoir participé, malgré elle, à l'extermination des AIntelects. Son bras robotique était le symbole de tout ce qu'il y avait de pire dans l'humanité. Il lui rappelait chaque jour que les androïdes n'étaient considérés que comme des machines, des amas de métaux qu'on pouvait recycler à volonté. Et elle devait vivre avec ce fardeau jusqu'à la fin de sa vie. Pour tenter de se déculpabiliser, elle avait commencé à militer contre les pratiques de l'AVO, à déchirer des affiches et à provoquer délibérément les forces de l'ordre. Elle espérait par là être condamnée à son tour et subir le calvaire d'Airi, comme un juste retour des choses pour son crime. Mais rien. Son statut privilégié la faisait toujours échapper à la case prison.

À mesure que les années passaient, à force de terminer ses nuits au poste de police, Iris avait fini par développer une véritable haine envers le nouveau gouvernement qu'elle jugeait responsable de son mal-être intérieur. À cause des parties métalliques de son corps, elle se considérait désormais à moitié AIntelect et ne pouvait pas supporter les images des décharges remplies de dépouilles d'androïde rouillées. Elle avait envie de vomir à chaque fois que Zerich apparaissait à la télévision pour se vanter d'avoir tué plusieurs milliers de ses « semblables » dans des opérations spéciales.

À côté de cela, plus elle revisionnait le procès d'Airi et plus elle se sentait coupable de ne pas être intervenue. C'est pourquoi elle s'était orientée vers le droit. Si un jour les AIntelect revenaient dans la société, elle voulait être prête à les défendre envers et contre tout cette fois-ci, tout comme Simon Weiler.

Elle s'était aussi toujours dit que, si Airi avait pu survivre d'une manière ou d'une autre, elle lui rendrait ce qu'elle lui avait volé. Et, ce jour-là, elle lutterait de toutes ses forces à ses côtés pour s'excuser de tout le mal que sa famille lui avait fait.

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