Chapitre 30: À cœur ouvert

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Tout la Sorbonne était en état d'alerte. Une explosion avait retenti au deuxième étage du bâtiment sud et déclenché les alarmes. Les enseignants faisaient tout leur possible pour rassurer tout le monde sur la place, mais, lorsqu'un homme traversa la fenêtre du bureau d'Osborne, la panique s'empara de la foule. Les étudiants affolés poussèrent des cris d'horreur et se dispersèrent dans toutes les directions. Chloé, qui se trouvait parmi eux, comprit ce qu'il s'était passé. Iris s'était encore attiré des ennuis !

La jeune femme essaya de se frayer un chemin à travers la marée humaine. Toutefois, elle se sentait comme un saumon face à une cascade, incapable d'avancer, entraînée en arrière par le courant.

Un élève la bouscula dans sa course folle. Chloé tomba à la renverse et se retrouva immédiatement écrasée par tous ses camarades qui ne cherchaient qu'à s'enfuir sans même tenter de l'éviter. Dans un réflexe de survie, elle enfouit sa tête entre ses bras et attendit. Chaque seconde était un supplice. Les chaussures des étudiants déchiraient sa peau à chaque pas, ses os craquaient sous leurs poids et son front frappa plusieurs fois le bitume si bien qu'une profonde entaille s'ouvrit sur son arcade sourcilière. Elle était persuadée qu'elle allait mourir ainsi, piétinée par ce qui lui semblait être un troupeau d'éléphants.

Mais le ciel en avait décidé autrement. La foule finit par se dissiper et Chloé, tremblante, jeta un coup d'œil aux environs, choquée d'être toujours en vie. Elle tenta de se relever. Aussitôt, une douleur fulgurante lui transperça l'épaule. Elle avait dû se déboiter le bras. Néanmoins, sa propre condition n'était pas ce qui l'inquiétait le plus. Seul Dieu savait dans quel pétrin sa meilleure amie s'était encore fourrée.

Tout en boitant, Chloé se traîna péniblement jusqu'au cabinet d'Osborne. Et, alors qu'elle s'attendait à trouver son acolyte à terre, un révolver sur la tempe, un tout autre spectacle s'offrit à elle. Elle découvrit un bureau saccagé. La porte avait exposé et des morceaux de bois fumant ornaient les murs dans lesquels ils s'étaient plantés. Au sol gisaient cinq corps : quatre soldats de l'AVO, ainsi que celui du juge baignant dans une mare de sang noire. Les militaires avaient été transpercés de part en part au niveau du torse tandis que son enseignant avait visiblement reçu une balle dans la poitrine.

Chloé fut saisie d'un haut-le-cœur face à cette scène sordide et particulièrement barbare. Elle retint de justesse un vomissement qui n'aurait fait qu'empirer l'odeur déjà nauséabonde qui flottait dans le piège. Heureusement, à son grand soulagement, elle ne repéra Iris nulle part. Ce qui signifiait qu'elle avait très certainement réussi à s'enfuir. Du moins, sa meilleure amie priait pour que ce fût le cas. Car, si elle avait été capturée et qu'elle était bel et bien derrière ce carnage, alors elle ne risquait pas qu'une nuit de garde à vue, mais plutôt le poteau d'exécution sans procès.

Lorsqu'elle tenta de la joindre, Chloé tomba immédiatement sur son répondeur. Elle avait également désactivé sa géolocalisation. Peut-être essayait-elle vraiment d'échapper aux forces de l'ordre. Confortée dans cette idée, la blonde lui envoya simplement un message vocal dans l'espoir qu'il parvienne bien à destination, puis décida de rentrer chez elle. De toute façon, que pouvait-elle faire d'autre à présent ? Au moins son père pourrait l'éclairer sur les événements du jour et lui confirmer le sort d'Iris.

Lorsque Chloé franchit la porte de son appartement, elle ne s'attendait pas à ce que Cyril Cassel fût déjà de retour du travail. Plus étrange encore, il avait troqué son costume habituel pour une veste blanche ornée d'un chrysanthème noir et un pantalon de camouflage. Il avait également rasé entièrement sa barbe et retiré ses lunettes pour mettre des lentilles de contact, si bien qu'il était méconnaissable. Il en allait de même pour sa femme, Cassandre qui avait coupé ses longs cheveux blonds en un carré court et arborait le même style vestimentaire. Leurs mines étaient sombres et leurs visages crispés. Ils s'affairaient dans tous les sens pour remplir des valises pleines à craquer de vêtements et de dossiers. Lorsque leur fille leur demanda ce qu'il se passait, ils lui répondirent à peine.

Cogito Ergo VivoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant