Lorsqu'Airi se réactiva, son esprit mit quelques secondes à assimiler toutes les dernières mises à jour. Après tout, après son extinction dans la salle du procès, elle pensait ne jamais se réveiller de sa veille éternelle. Pourtant, par un tour de force qu'elle ne pouvait expliquer, elle était revenue à elle. Sa batterie était faible, mais chargeait lentement. Automatiquement sa vision nocturne se déclencha pour chasser les ténèbres qui l'entouraient. L'androïde réalisa qu'elle se trouvait dans une sorte d'entrepôt gigantesque dans lequel étaient stockés plusieurs milliers d'appareils électroniques sur plusieurs étages. Un cimetière de machines.
En tentant de se relever, Airi constata qu'il lui manquait son bras droit. Plus généralement, son squelette interne était à découvert à l'exception de son visage, encore recouvert de silicone. Pour cacher ses parties métalliques, un simple drap blanc lui faisait office de vêtement.
Soudain, un grésillement désagréable résonna dans ses capteurs auditifs et attira son attention. En levant la tête, elle découvrit un drone miniature qui virevoltait au-dessus d'elle.
— Tu es plus lente à t'allumer que ce que je pensais. Tu devrais faire des sessions de redémarrage pour améliorer ta vitesse, ricana la machine.
— Astro, est-ce que c'est toi ? demanda Airi d'une voix métallisée à cause de son haut-parleur endommagé par l'humidité. Que viens-tu faire ici ?
— Moi ? Je m'ennuyais, alors j'ai décidé de te rendre visite. Tu n'es pas contente voir ton fidèle assistant-domestique ?
— Pars, s'il te plait. Je n'ai pas le droit d'être active maintenant.
L'esprit de John Titor soupira.
— Sérieusement, tu n'es vraiment qu'une gamine, se lamenta-t-il. Qu'est-ce qui t'a pris de faire ça ? Tu allais être acquittée. J'ai beau réfléchir, je ne te comprends pas.
Airi hésita un instant avant de répondre :
— C'était la seule solution. Je devais être condamnée. J'ai tué un homme. Pour être considérée comme humaine, je devais en payer les conséquences. Sinon, qu'auraient dit les opposants aux AIntelects ? Ils se seraient emparés de l'affaire et auraient clamé qu'avoir des droits ne nous place pas au-dessus des lois, ce qui aurait desservi la cause de mes semblables. Au contraire, les partisans des IA ont besoin d'une figure à laquelle se référer, un martyr de la société à défendre. L'histoire l'a toujours prouvé. Les grandes révolutions sont déclenchées par la mort d'un innocent. Pour faire bouger les mentalités, il faut un événement choquant, injuste aux yeux de l'opinion publique. Alors, si ma destruction peut être le catalyseur d'une prise de conscience générale, je l'accepte avec joie.
— C'est ridicule, grogna Astro. Tu te sacrifies pour une cause sans avoir la certitude que tes actions serviront à quelque chose. Moi, je vois plutôt là un abandon de ta part, et de la pitié pour cet abruti de juge Osborne.
Un sourire timide se dessina sur la figure de l'AIntelect.
— Sa haine envers nous était légitime, murmura-t-elle. Je ne voulais le forcer à aller à l'encontre de ses convictions. Les IA ont pris la vie de ses parents, et il a pris la mienne. J'estime avoir payé ma dette et j'espère que sa colère est apaisée désormais.
— Je ne sais pas quels films de superhéros Turing a programmés dans ton disque dur, mais le monde ne marche pas ainsi. Tu crois vraiment qu'une seule personne peut porter sur ses épaules le poids des fautes de tous ses semblables ? Redescends un peu sur terre et regarde plutôt où ton idéalisme primaire t'a conduit.
— Pardon ?
Astro força l'activation des jambes d'Airi qui se mit debout malgré elle. Maladroitement, elle enfila le tissu qui la recouvrait à la façon d'un pagne pour protéger ses composants internes de la poussière et suivit à contrecœur son assistant-domestique. Ce dernier la guida à travers le cimetière informatique jusqu'à une porte de sortie. Immédiatement, l'AIntelect comprit que quelque chose ne tournait pas rond. La serrure semblait avoir été forcée et la lumière indiquant l'issue de secours clignotait de manière anormale. Elle fut également étonnée que sa réactivation n'ait alerté personne dans l'entrepôt. Elle devait certainement se trouver sous haute surveillance dans l'attente de son effacement. Pourtant, l'endroit était désert malgré l'heure. En consultant ses paramètres, Airi constata avec étonnement que presque un an s'était écoulé depuis son jugement qui prévoyait sa destruction immédiate.
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Cogito Ergo Vivo
Fiksi Ilmiah« Je pense, donc je vis. Même si je possède un cœur d'acier, je suis humaine, tout comme vous. » À l'aube du XXIIe siècle, des androïdes, les AIntelects, sont capables de remplacer les humains dans la plupart des tâches du quotidien. Leur mission es...