Chapitre 58: Existence

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Que signifie « être vivant » ? Cette question avait obnubilé Airi depuis qu'elle avait rencontré Astro. Au-delà d'un simple processus biologique permettant à un organisme de naître, grandir, se reproduire puis mourir, où se trouvait la barrière entre « vivre » et « exister ?

Pendant des années, la meneuse avait cherché une réponse à cette interrogation en apparence si naïve. Mais, désormais, elle pensait avoir compris, et ce, grâce à toutes les rencontres qu'elle avait faites au cours de son long voyage en quête de vérité.

Laisser sa trace dans l'histoire. Se battre pour ceux qui nous sont proches. Faire sourire une foule d'inconnus par son chant. Devenir le serviteur de la justice. Autant d'actions possédant toutes un point commun : le don de soi, sans rien attendre en retour. Oui. Pour Airi, exister signifiait donner de sa personne pour les autres.

Toujours, elle avait mené ses recherches seule entre quatre murs de l'ESA. Mais, depuis qu'elle avait fait la connaissance d'Astro, Ronan, Mirai, Iris et tant d'autres, elle s'était confrontée au monde réel et avait partagé avec eux des moments inoubliables. Avec eux, elle avait pleuré de la mort de ceux qui étaient tombés au combat. Elle avait ri de leurs bêtises. Elle s'était réjouie des heureux événements de leurs vies. Jamais Airi ne s'était sentie autant exister que dans ces moments où elle laissait libre cours à ses émotions et où le cœur prenait le pas sur sa raison. C'était parce qu'elle avait accepté de sortir de son bureau blanc et stérilisé qu'elle avait pu apprendre à vivre en se donnant pleinement pour ceux qu'elle considérait comme sa famille.

Elle n'était pas un simple être pensant. Elle était capable de se remémorer le passé. C'est pourquoi elle pouvait affirmer qu'elle était bel et bien vivante. Et elle comptait bien continuer son voyage le plus longtemps possible afin de se créer de nouveaux souvenirs aussi heureux que ceux qui avaient fait d'elle la personne qu'elle était à présent.

Airi faisait face à la météorite. L'énorme rocher rougeoyant de trois-cents mètres de fendait les cieux à plusieurs milliers de kilomètres heure. Le point d'impact était déjà défini : le centre-ville de San Francisco. La batterie de l'AIntelect était au plus bas. Moins d'une minute la séparait de son extinction. Ce qui était plus que suffisant.

Confiante, la meneuse de Chrysantia déploya sa lance, avant de se lancer à l'assaut du démon biblique. L'onde de choc se répandit dans tout son corps. Mais elle ne lâcha rien. Puisant dans le peu d'énergie qu'il lui restait, elle fit chauffer son arme à blanc. Au contact du métal brûlant, la roche se changea en magma. Mais ce n'était pas assez. À la grande surprise d'Airi, le point de fusion de la météorite était équivalent à celui de l'alliage. Elle se retrouva ainsi repoussée, traversant l'épaisse couche de nuage. Sous ses pieds, elle voyait apparaître les toits des plus hauts gratte-ciels de la ville.

L'androïde aux cheveux écarlates poussa ses réacteurs au maximum de leur puissance, si bien que ses ailes se disloquèrent sous la propre chaleur qu'elles dégageaient. Malgré cela elle parvint à arrêter la chute de l'astéroïde, figé dans les airs, à quelques centaines de mètres du sol.

Mais, alors qu'elle pensait avoir réussi, sa batterie tomba à zéro. Tous ses propulseurs s'éteignirent. Ses forces l'abandonnèrent. Et son champ de vision rétrécit jusqu'à ne devenir qu'un minuscule pixel. Cependant, sa conscience, elle, ne sombra pas. Même si elle avait épuisé toute son énergie, et qu'elle fondait vers la ville comme un obus, Airi ne se mit pas en veille.

Elle devait à tout prix détruire cette menace pour l'humanité, mais comment ? Son corps ne lui répondait plus. Elle n'avait aucun moyen de contacter l'extérieur pour demander de l'aide. Était-elle condamnée à périr et entraîner des millions d'innocents dans sa chute ? Était-ce son châtiment pour s'être opposée à l'AVO ? Si elle s'était contentée d'effectuer son travail à l'ESA, aurait-elle pu épargner toutes ces vies ? Avait-elle eu tort de revendiquer son indépendance ?

Cogito Ergo VivoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant