Chapitre 4: Le grand remplacement robotique

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La panique s'empara de la foule. Des passants se jetèrent à terre, d'autres s'enfuirent en hurlant. Le chaos s'installa sur la place où, quelques secondes plus tôt résonnait la voix harmonieuse de la chanteuse. Un petit groupe de courageux courut vers le terroriste pour le maîtriser, avant de s'arrêter net, les yeux écarquillés.

Mirai, qui s'était protégé le visage avec ses bras, ouvrit timidement ses paupières, elle-même surprise d'être encore en état de marche. La balle ne l'avait pas atteinte. Elle s'était logée dans la pierre, à quelques millimètres de sa jambe, déchirant légèrement sa jupe sur son passage. Cependant, son attention, tout comme celle de la foule, était focalisée ailleurs.

Au milieu des chaises renversées, le forcené était maintenu fermement à terre par Airi. Cette dernière s'était précipitée sur lui au moment même où son doigt avait tressailli et l'avait plaqué au sol, déviant ainsi la trajectoire de son projectile à la dernière seconde.

— Veuillez ranger ce révolver, déclara froidement l'AIntelect.

— T'es qui pour me donner des ordres, toi ? cracha l'assaillant, en se débattant furieusement. Je te préviens, je vais...

Airi appuya davantage sur le bras de l'homme pour l'obliger à lâcher prise.

— Le port d'arme dans les espaces publics est illégal en France depuis 1939. Je répète, veuillez la ranger.

L'agresseur poussa un cri de douleur et appela à l'aide. Toutefois, Airi ne bougea pas d'un pouce. Après de longues secondes de flottement, Astro se décida à entrer en scène. Il roula jusqu'aux deux combattants, puis asséna une décharge électrique similaire à un coup de taser. L'individu s'évanouit aussitôt, et Airi se releva pour faire face à une foule médusée. Des murmures s'en élevaient. Les gens commençaient à se poser des questions sur l'identité de la personne, ou de la machine qui avait arrêté le jeune homme.

Le petit robot se retourna alors vers les badauds et déclara d'une voix exagérément robotisée.

— Criminel maîtrisé. Stop. Procédure de transfert au commissariat le plus proche : enclenchée. Sécurisation des lieux : en cours. Aucun danger détecté. Ma maîtresse, une humaine et moi-même nous excusons pour ce désagrément. Nos communiquerons cet incident à nos supérieurs pour que cela ne se reproduise plus. Circulez. En vous souhaitant bonne journée.

Cette ruse grossière fonctionna étonnamment bien, car la foule se dissipa sans se faire prier davantage. Certains lancèrent un regard inquisiteur à Airi, mais l'androïde détourna par réflexe la tête, pour cacher ses capteurs oculaires qui l'auraient immédiatement trahie. À nouveau, ses circuits tournaient à plein régime. Que s'était-il passé ? En réalisant qu'une de ses consœurs risquait d'être détruite, son corps avait agi de lui-même.

Mais, plus important, elle avait attaqué un humain ! Elle avait transgressé la loi d'Asimov la plus fondamentale ! Un message d'alerte s'était affiché dans son champ de vision au moment où elle avait percuté le terroriste, mais elle l'avait délibérément ignoré. Pire, elle avait lutté contre son programme interne qui avait tenté de l'arrêter dans son mouvement !

Les doigts de l'androïde tremblaient de façon incontrôlée alors que les images de son acte impardonnable se répétaient en boucle dans son processeur. Qu'allait-il lui arriver si quelqu'un découvrait la vérité ? Allait-on l'envoyer à la décharge pour cette faute ? Ou la rebooter ? En ligne, il existait de nombreux articles d'AIntelects démantelés et reconvertis en grille-pain après détection d'anomalies les ayant conduits à blesser involontairement leur propriétaire. Lui réservait-on le même sort ?

Airi l'avait vu dans le regard de l'homme : il avait compris qu'elle n'était pas humaine. Dès son réveil, il ne faisait aucun doute qu'il allait la dénoncer aux véritables autorités.

Cogito Ergo VivoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant