Iris se souvenait parfaitement de sa première rencontre avec Klaus Zerich. Peu de temps après la condamnation d'Airi, l'homme qui allait devenir le président de la terre était venu sonner à la porte des Sodan. Il prétendait vouloir présenter ses condoléances à Marguerite pour le décès tragique de son mari. Il s'était alors longuement excusé pour les actions de son père, qu'il affublait de tous les maux. Selon lui, le laxisme de Lothar à la tête de l'AVO était la principale cause de la montée des AIntelects. Klaus affirmait qu'il était prêt à tout pour réparer les erreurs de sa famille et à venger ceux qui avaient souffert à cause des machines.
Iris revoyait parfaitement le regard rempli de haine, mais également de folie de cet homme. Du haut de ses douze ans, elle imaginait Klaus comme le grand méchant d'un film, un super vilain manipulateur, menteur et fanatique. Mais Marguerite, elle, ne le voyait pas de cet œil-là. La veuve, encore sous le choc de la mort de son mari, était tombée éperdument amoureuse de Klaus. Non. Ce n'était pas de l'amour. C'était de la fascination malsaine. Elle considérait le nouveau chef de l'AVO comme un demi-dieu descendu sur terre pour sauver l'humanité. Ses frasques pseudo-liturgiques ainsi que sa voix doucereuse et ses mots de réconfort agissaient comme un sort d'envoutement sur la pauvre femme, prisonnière de son gourou. Elle dépensait sans compter pour lui tout l'argent de ses pensions et de l'assurance vie de Bernard. Elle le logeait, le nourrissait, l'accompagnait dans tous ses déplacements.
Pour Iris, la présence de cet homme était devenue étouffante. Il le craignait autant qu'elle le détestait. Elle était persuadée que, derrière ses sourires et ses phrases mielleuses, il n'était rien de plus qu'une ordure profitant de la faiblesse d'une famille endeuillée, déjà fragilisée par la propagande religieuse. Apprendre que Klaus était celui qui avait lancé l'idée de profaner le cadavre d'Airi avait été la goutte de trop. Iris, incapable d'en supporter davantage, avait fugué pour échapper à l'influence néfaste, maléfique, presque démoniaque de celui qu'elle jugeait responsable de tous ses malheurs.
Olivier acceptait tout aussi difficilement ce beau-père que sa sœur. Mais, contrairement à elle, il préférait ignorer sa présence. Il ne voulait pas se mêler de ces histoires. Tout ce qui lui importait était de continuer sa vie et de quitter le domicile familial au plus vite. Ce qu'il avait fini par faire une fois son bac obtenu.
C'était un fait. Klaus Zerich avait détruit les Sodan, encore plus que son père. Néanmoins, Iris ne cherchait cependant ni à se venger ni à assouvir une quelconque pulsion malsaine. Elle refusait de s'abaisser au même niveau que les membres de l'AVO en se laissant guider par la haine. Son objectif était simplement de protéger sa nouvelle famille de la folie et du fanatisme de celui qui était devenu l'incarnation du mal aux yeux des habitants de Chrysantia.
Ce qui n'était pas le cas de Ronan. Dès que l'on évoquait Zerich, le jeune homme enjoué et blagueur changeait du tout au tout. Iris l'avait bien remarqué durant les nombreuses réunions auxquelles il avait participé. Et tuer Lothar ne semblait pas avoir apaisé sa colère. Dans l'avion, il affichait une mine tendue. Ses mains tremblaient de manière incontrôlée et sa respiration était saccadée. Depuis le décollage, il n'avait pas prononcé un mot. Il fixait le paysage défilant à travers le hublot, impassible. L'étudiante n'osait pas le déranger. Ils ne s'étaient pas réellement reparlés depuis qu'elle l'avait surpris en train d'empoisonner Zerich, sauf lors des conseils de guerre. Toutefois, la mission qui les attendait tous les deux allait demander de la coordination et surtout, une parfaite maîtrise de soi. Dans son état, Ronan risquait de les conduire tout droit en prison s'il se laissait à nouveau guider par la haine. C'est pourquoi Iris se décida à engager la conversation malgré son appréhension.
— Ça va ? s'enquit-elle d'un air inquiet. Pas trop stressé ?
— Pas vraiment, grommela le lieutenant d'Airi. Ça devrait être une promenade de santé.
![](https://img.wattpad.com/cover/322788939-288-k410905.jpg)
VOUS LISEZ
Cogito Ergo Vivo
Science-Fiction« Je pense, donc je vis. Même si je possède un cœur d'acier, je suis humaine, tout comme vous. » À l'aube du XXIIe siècle, des androïdes, les AIntelects, sont capables de remplacer les humains dans la plupart des tâches du quotidien. Leur mission es...