Chapitre 45: Chemins séparés

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Un vent glacial transperçait Iris, même à travers son manteau thermorégulateur. Une épaisse fumée s'échappait de ses narines à chacune de ses expirations et inspirer la frigorifiait de l'intérieur. Ses longs cheveux noirs se couvraient lentement de givre à cause de la neige fondue qui s'y déposait.

Face à l'océan, au beau milieu de l'hiver austral, la jeune femme observait la fin du monde, qui avait pris la forme d'un champignon atomique. Tout autour d'elle, tous les habitants de Chrysantia en âge de combattre et tous les AIntelects couraient dans tous les sens pour organiser la résistance et ne pas finir congelés. Il fallait faire vite. Avec la perte de près de 99 % de sa flotte, la coalition de l'humanité était réduite à quelques milliers de chasseurs, et tout autant d'hommes. Tous les navires, quant à eux, avaient rejoint les abysses. Bien que désorientée et sous le choc, l'AVO n'allait pas tarder à relancer l'assaut. C'est pourquoi le paradis des androïdes se préparait également au débarquement imminent des forces ennemies sur le continent blanc. Chrysantia avait peut-être épuisé toutes ses munitions, son peuple ne s'avouait pas vaincu et tous étaient prêts à se battre jusqu'à la mort pour défendre leur patrie.

Iris ne participait toutefois pas aux préparatifs. Une autre mission l'attendait, par-delà l'hémisphère nord. Sur la piste, deux avions s'apprêtaient à décoller d'une minute à l'autre. L'un s'envolerait pour la Californie, emportant à son bord Airi, Mirai et quelques AIntelects en soutien. L'autre, plus petit et furtif, allait rejoindre le château de Versailles, siège de la présidence de la Terre. Pour cette opération, Iris était simplement accompagnée par Ronan. Compte tenu de la haute surveillance du palais, envoyer davantage de troupes était le meilleur moyen d'alerter toute la garde présidentielle, qui aurait ainsi le temps d'évacuer Zerich. Airi comptait sur l'effet de surprise pour éliminer le chef de l'AVO, qui ne se doutait certainement pas que ses ennemis se battraient sur trois fronts à la fois.

Malgré son excitation de mettre un terme à cette guerre absurde, l'étudiante appréhendait l'après. Les AIntelects allaient-ils connaître enfin la paix ? Pourraient-ils revenir dans une société qui avait appris à les détester et à les voir comme des êtres diaboliques ? Allaient-ils seulement être acceptés par la population, où les idées de l'AVO survivraient-elles à la mort de Zerich, telles des graines de mauvaise herbe prêtes à germer aux moindres conditions qui leur seraient favorables ?

— Tu as l'air tendue. N'hésite pas à rentrer à l'intérieur du hangar pour ne pas attraper froid. Les AIntelects se chargent de configurer le vol.

La voix douce d'Airi tira Iris de ses rêveries, qui réalisa soudain qu'elle s'était transformée en bonhomme de neige à rester sans bouger.

— Merci pour la proposition, mais je préfère attendre là pour ne pas vous retarder. Ça serait ballot que je m'endorme ou un truc du genre. Au moins, le froid me tient éveillée !

— S'il n'y avait pas eu la chaleur des bombes nucléaires pour réchauffer l'atmosphère de cinq degrés, tu serais certainement déjà morte d'hypothermie, répliqua l'androïde sans méchanceté.

— Peut-être. J'étais juste venue pour leur dire au revoir, mais j'ai pas vu le temps passer.

Le regard d'Iris se posa sur les trois croix plantées dans le sol rocheux face à l'océan. Elles avaient miraculeusement résisté à l'explosion. Certes, elles penchaient sur le côté et étaient légèrement tordues, mais elles se trouvaient toujours à l'emplacement des tombes de Chloé, Julien et Marguerite.

— Tu en penses quoi, toi, du grand restart ? enchaîna la jeune femme sans quitter les sépultures de fortune des yeux. Je me dis qu'en vrai, ça serait peut-être pas si mal.

— Pardon ? s'étonna l'androïde. J'ai du mal à comprendre ton raisonnement. Pourrais-tu développer ? Comment en es-tu venue à cette conclusion ?

Cogito Ergo VivoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant