Chapitre 48: L'ultime bastion

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Chryno s'activait à rassembler toutes les troupes et munitions restantes à Chrysantia. Bien que les défenses de la ville eussent été drastiquement réduites, les forces ennemies l'étaient tout autant. Le combat qui s'annonçait allait se dérouler à l'ancienne, sur terre, au corps à corps. Bientôt, le continent blanc allait se teinter de rouge. L'objectif n'était toutefois pas de remporter la bataille, mais simplement de tenir suffisamment longtemps pour qu'Airi et Iris accomplissent leurs missions. En apprenant la mort de leur chef de guerre, la coalition de l'humanité allait se disperser d'elle-même. Restait à déterminer si Chrysantia avait seulement les capacités de résister jusqu'à ce point critique.

Cela faisait deux heures que les avions s'étaient envolés pour Versailles et la Silicone Valley et les armées humaines ne s'étaient pas encore remises de l'explosion nucléaire qui les avait décimées. Astro savait que ce n'était qu'une question de minutes avant qu'un général leur ordonne de tout détruire. C'est pourquoi il n'y avait pas une minute à perdre. Les civils étaient évacués vers les zones les plus profondes de la ville tandis que les soldats de Chryno se préparaient au combat, révisant une dernière fois leur équipement et leurs appareils. Les AIntelects militaires, quant à eux, chargeaient leurs batteries, postés sur la ligne de front, prêts à réagir au moindre signe d'hostilité de l'ennemi.

Dans la salle de commandement, Astro pianotait sur le terminal principal afin d'élaborer la meilleure stratégie à suivre. Cependant, sans Airi pour l'épauler, le père des AIntelects piétinait. Même s'il possédait un corps robotique, il n'en restait pas moins un simple humain et ses capacités de calculs étaient limitées, d'autant plus qu'il était informaticien et non stratège. Heureusement que les différentes IA de défense de la ville l'aidaient dans sa tâche, sans quoi il aurait certainement mené ses troupes tout droit à al défaite.

La porte automatique s'ouvrit pour laisser rentrer Simon Weiler. L'avocat, vêtu de son uniforme de général, était chargé de diriger l'opération de riposte. En l'absence de Ronan et avec la mort de Bruce, il était l'homme le plus haut gradé du pays. Et, en tant qu'ancien chef de la résistance, c'était tout naturellement qu'Airi l'avait désigné pour ce rôle qu'il prenait très à cœur.

— Nous sommes prêts, déclara-t-il d'une voix assurée. La coalition peut nous attaquer, nous les attendons de pied ferme. Vous n'avez qu'à nous donner ton plan d'attaque et nous le suivrons.

— Si seulement j'en avais un, grommela Astro en guise de réponse. Sérieusement, Airi aurait pu me laisser des instructions avant de partir. Je suis programmeur, moi !

— Et moi, avocat, rétorqua Simon en riant. Mais la vie est faite d'imprévues et on doit s'adapter, sinon on se fait écraser par la concurrence. À la base, je voulais être ingénieur aussi, jusqu'à ce que je me rende compte que je ne savais pas dériver une fonction.

Astro arrêta de pianoter quelques instants pour se tourner vers l'homme au crâne dégarni.

— J'y pense. On va peut-être tous mourir dans cette bataille, du coup j'en profite pour vous le demander, mais qu'est-ce qui vous a poussé à prendre la défense de Turing, il y a dix ans ? Selon les informations que vous avez remplies à votre arrivée ici, vous n'avez perdu personne dans votre entourage et vous ne possédiez même pas d'AIntelect. Vous n'aviez donc aucun motif évident pour vous opposer de la sorte à l'AVO.

Simon se gratta la barbe tout en réfléchissant avant de répondre d'une voix évasive :

— Bonne question. Je crois que je ne le sais pas moi-même. Je dirai que je cherchais un défi impossible à relever.

— Un défi ? répéta Astro, sceptique.

— Oui. Le monde n'est pas séparé entre le camp du bien et le camp du mal. C'est ce que mon métier m'a appris. Beaucoup de gens agissent simplement dans leur propre intérêt, sans se soucier des autres. J'en ai vu passer, des clients, et de toutes sortes. Des dealeurs de drogue sans scrupules aux politiques corrompus jusqu'à la moelle en passant par le petit délinquant du quartier. Parfois ils étaient innocents, parfois coupables. Mais, dans tous les cas, mon travail consistait à les défendre, à trouver des circonstances atténuantes, à fouiller dans leur passé pour comprendre leurs motivations et faire ressortir devant le juge ce que la société juge comme étant le « bien ».

Cogito Ergo VivoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant