Chapitre 54: La renaissance de la reine

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Bertrand n'avait jamais vaincu Aimé en combat singulier. Cette dernière n'était pas surnommée « la reine de World of Sword » pour rien. Ses statistiques d'attaque et de vitesse étaient les plus élevées de tout le jeu, mais ce n'était pas tout. Elle possédait de nombreuses capacités spéciales uniques, la rendant imprévisible et lui permettant de s'adapter à tout style d'adversaire. Copycat n'en était qu'une parmi tant d'autres. Et l'ingénieur s'était efforcé d'intégrer dans Airi toutes ces aptitudes, afin de rester le plus fidèle possible à son originale. Jamais il n'avait regretté autant cette décision qu'à ce moment précis où l'androïde se présentait à lui en tant qu'ennemie.

Airi se battait de manière identique à Aimé. Elle attaquait sans relâche le directeur, ne lui laissant aucun répit pour élaborer une stratégie. Non. Elle était peut-être même encore plus puissante que la reine de World of Sword. Elle avait amélioré son corps en s'équipant de nombreuses options la rendant bien plus redoutable. Elle alternait entre les attaques à distances à l'aide de ses doigts-révolver et les coups directs de lance qu'elle assénait à Bertrand. Ce dernier était complètement dépassé, obligé de se concentrer sur la défense pour ne pas être taillé en pièces par sa création. Mais était-il vraiment capable de la blesser, même s'il en avait eu l'occasion ? Airi n'était pas un simple robot ni une copie de son amour de jeunesse perdu. Elle était sa fille. Il l'avait vu naître, grandir et s'émanciper.

Pourquoi refusait-elle de l'écouter ? Pourquoi agissait-elle de manière aussi violente, elle qui avait toujours cherché à comprendre les autres ? Bertrand connaissait très bien la réponse. Car elle était humaine, autant que lui. Et, par conséquent, elle ne raisonnait plus qu'avec ses composants. Son cœur guidait ses actions et ses choix. Elle ne se battait pas pour accomplir une quelconque mission ni parce que son programme le lui ordonnait. Elle voulait protéger ce qui lui était cher. Et son créateur se trouvait sur son chemin.

En ce sens, elle était bien différente d'Aimé, pour qui les combats n'étaient qu'un jeu, une façon de surmonter la maladie et repousser les limites de son corps affaibli. Gagner ou perdre lui importait peu tant qu'elle s'amusait et pouvait oublier, l'espace de quelques heures, que ses jours étaient comptés. Mais pour Airi, la défaite n'était pas option. La survie de Chrysantia, le pays dont elle était la reine, dépendait de sa victoire. Toutefois, même si Bertrand comprenait ses intentions et partageait sa cause, il ne pouvait pas la laisser parvenir à ses fins. Si Chroma était mise hors service, ce n'était pas seulement l'AVO qui allait être anéantie, mais toute la société moderne. Des millions de personnes risquaient de périr à cause de l'effondrement des monnaies et de la disparition de connaissances indispensables telles que les plans des réacteurs nucléaires ou les traitements contre les épidémies les plus mortelles. Avec son intelligence et sa puissance de calcul, il était inconcevable qu'Airi n'ait pas anticipé une catastrophe de cette envergure. Cela signifiait également qu'elle avait fait le choix de sacrifier des innocents pour sauver quelques milliers de vies. Lorsque Bertrand avait pris conscience de cette réalité, il avait compris qu'il était de son devoir d'arrêter sa fille. Le directeur de l'ESA était prêt à l'aider à se réintégrer dans la société, mais pour cela, il fallait tout d'abord qu'elle accepte de l'écouter malgré sa colère envers lui. Le seul moyen de parvenir à cette fin était malheureusement de la vaincre.

Airi plongea sur son créateur. Bertrand esquiva l'attaque d'un bond sur le côté, puis attrapa la jambe de l'AIntelect dans l'espoir de la maintenir à sa portée. Mais c'était sans compter la force de cette dernière. Elle planta sa lance dans le sol et l'utilisa comme pivot pour effectuer une pirouette qui projeta le directeur dans les airs. Avant qu'il ne retombe, elle lui asséna un violent coup de poing dans le thorax. Bertrand eut tout juste le temps de parer avec le tranchant de son épée avant d'être repoussé avec violence contre l'une des tours de Chroma. Sonné, il se releva en brandissant son arme tandis que l'androïde le toisait de sa hauteur, le regard brûlant de colère.

Cogito Ergo VivoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant