Chapitre 62

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Tous les matins, c'est la même routine qui s'installe. Soit je me réveille en sursaut suite à un cauchemar lié à la mort d'un proche, soit cela me renvoie à mes bons souvenirs du passé qui me rappellent à quel point je suis seule et que je plonge de plus en plus dans la folie et le désespoir. Il n'y a pas un matin où je ne pense pas à eux. Ma conversation avec Eren m'a assez perturbé, je ne sais pas si j'ai fait le bon choix en le laissant seul. Faire un choix sans regret... Celui qui répète cette phrase poursuit ensuite ses dires en disant qu'il n'a jamais su si ses choix étaient les bons... Qu'importe, je m'égare.

J'essaie de le chasser de mes pensées pour enfin me lever, mais quelque chose vient me perturber dès l'instant où je sors de mon lit. Ai-je bien vu une ombre passer devant la fenêtre ? Ou bien, est-ce seulement le fruit de mon imagination ? Je me dirige vers la fenêtre en veillant à ne faire aucun bruit. Je me mets à côté de celle-ci pour jeter un œil sur l'extérieur. Je ne connais pas encore les lieux, mais je pense que c'est une fausse alerte. Peut-être qu'un simple oiseau m'a fait peur. D'un coup, je prends conscience de ma position en alerte. Vivre dans la ville souterraine qu'est les bas-fonds m'ont appris ce genre de mouvement. Mes réflexes du passé ont pris possession de mon corps.

Je me suis préparée et soudainement, un bruit étrange survient de l'extérieur. Je pense soudainement à mon cheval. Sans réfléchir davantage, je me dirige telle une furie dehors. En me dirigeant vers celui-ci, un homme était près de lui en train de l'observer sous toutes ses coutures. Mon cheval finit par hennir de peur. Je prends par la veste l'homme pour le tirer violemment en arrière jusqu'à ce qu'il tombe au sol. Je pose mon pied sur lui de façon à l'immobiliser. J'ai pensé à prendre mon couteau pour davantage l'intimider, mais je doute que ce soit un choix judicieux. Je ne dois pas éveiller les soupçons, alors ma seule menace reste mon regard.

- je ne savais pas que quelqu'un vivait ici ! Je suis désolé. S'écrit-il en levant les mains en l'air.

Je le toise du regard avant de finalement retirer mon pied. Je caresse mon cheval pour l'apaiser. L'homme se lève calmement et prend à nouveau la parole.

- je viens fréquemment par ici et quand j'ai vu votre cheval, je me suis demandé s'il s'était égaré. Pardonnez ma curiosité, mais depuis quand avez-vous emménagé ?

Je tique sur l'une de ses phrases. On voit bien que mon cheval n'est pas égaré. Je devrai davantage me méfier. Je me tourne promptement vers lui et l'observe dans les yeux sans décrocher un mot. Partout où je décide d'aller, les personnes finissent par me poser des questions. Quand l'homme a compris que je ne comptais pas lui adresser la parole, il a quitté les lieux.

Je me laisse glisser le long du mur de l'abri de mon cheval avant de m'asseoir. Mon instinct me dit que les choses prennent encore une tournure qui ne me plaît pas. Je devrai très certainement déguerpir, mais je ne sais plus où aller, je n'ai plus envie de rien. Alors que je me fais cette réflexion, mon cheval bouge de manière à attirer mon attention sur lui. Il me fait comprendre qu'il aimerait faire un tour.
Je prépare alors mon cheval pour faire une balade matinale. J'ai besoin de me vider la tête. Des émotions que j'avais cru oublier ont finalement fait surface. L'insécurité ou encore la colère. Ces derniers temps, j'étais simplement une coquille vide. C'est effrayant de retrouver ses émotions perdues.

Je monte sur mon cheval et pars découvrir les alentours. Cela m'aidera à établir une carte pour mieux me préparer à toutes les éventualités. Je ne sais pas pour quelle raison, mais le sentiment d'insécurité me colle à la peau. Je me suis retournée plusieurs fois pour vérifier que je n'étais pas suivie, cependant à chaque fois je ne ressentais et ne voyais aucune présence.
Je caresse l'encolure de mon cheval et cela me renvoie les images mentales de ma dernière conversation avec Livaï. Je ressens toujours la douleur de ce jour à chaque moment que j'y pense. C'est à la fois ce qui me rappelle que je possède toujours bel et bien des émotions.

Alors que j'étais dans mes pensées, mon cheval décide de partir au galop, mais je me laisse embarquer dans ce moment en lâchant prise et en déployant mes bras sur les côtés. Le vent chasse mes cheveux en arrière et caresse mes joues. La vue que nous avons devant nous est magnifique, c'est un spectacle. Le soleil est devant nous, certains de ses rayons percent la brume matinale. Les bruits réguliers des sabots de mon cheval...Tout est enfin agréable.
Pixis avait bien fait de me forcer à monter sur ce cheval, bien que j'étais atrocement mauvaise. Pour rien au monde je ne l'échangerai.

En définitive, je décide de retourner à ma maison non achetée. Je descends de mon cheval et le guide, mais tout à coup, quelque chose me perturbe. Je n'avais pas laissé la porte ouverte. Quand j'ai compris la situation, il était trop tard. Des coups de feux retentissent via mon habitation. J'ai eu le temps de m'abriter, néanmoins mon cheval lui s'est pris deux balles. Il s'écroule au sol et il est souffrant. Je le regarde en train de perdre son sang avant de lui adresser ces mots : " merci pour ce dernier instant que tu m'as offert, merci pour tout ". C'est suite à mes paroles, qu'il s'est plongé dans le sommeil éternel.

La rage est en train de me gagner, j'ai envie d'imploser. Finalement, vivre en dehors de la ville n'était pas une bonne idée. S'ils ont fouillé mes affaires, ils ont dû rapidement comprendre que j'étais une eldienne qui n'a absolument rien à faire ici. La différence d'écriture, mon comportement étrange, ma fraude... Je suis fichue. Je prends et regarde mon unique arme qui est le couteau que j'ai pour habitude de garder sur moi. Je sais pertinemment que je ne pourrais pas faire le poids face à plusieurs personnes armées. Cependant, je compte me défendre jusqu'au bout. Je me suis toujours jurée que je devais mourir en ayant aucun regret, je dois impérativement venger mon cheval. Il était mon seul compagnon, je me retrouve définitivement seule. J'allais me morfondre, toutefois, ce n'est pas le moment. Je compte tenir mon engagement et le venger.

Je jette un sac de riz en guise de leurre et je sors enfin de ma cachette en courant. Les coups de feux m'effleurent la peau, je peux même sentir l'odeur de la poudre brûlée. J'entre à l'intérieur en ayant les oreilles qui bourdonnent après toutes ces détonations. Ils avaient l'air de tirer à partir de l'étage, il faut que je puisse monter sans me faire piéger. Autre détail que j'ai pu remarquer, ils n'ont pas l'air nombreux. L'homme que j'ai croisé à l'aube a dû les avertir de mon comportement étrange. En revanche, je ne pense pas qu'ils se doutaient que j'étais une eldienne de l'île de Paradis, ils ont dû le découvrir sur place. Alors avec un peu de chance, je ne suis pas encore recherchée.

Instinctivement, je marche en veillant à ne faire aucun bruit et en réveillant tous mes sens pour ne pas être prise au dépourvu. J'enchaîne les marches jusqu'à tomber sur un homme, il pointe directement son arme sur moi. Je le tranche au niveau de la gorge avant qu'il n'avertisse l'autre en face de la fenêtre. Alors que le second allait me tirer dessus, je jette à temps mon couteau dans son torse. Il vacille en arrière et finit par s'écrouler au sol. C'est alors que je me tourne vers le premier que j'ai tranché pour vérifier son état. Celui-ci était en train de ramasser son arme au sol. Je vois dans ma tête la scène se passer au ralenti. Je n'ai aucun moyen de m'en sortir, le couteau est resté planté dans l'homme un peu plus tôt. Je suis complètement désarmée. Il parvient enfin à pointer son arme sur moi. Je ne peux rien faire, aucune solution ne s'offre à moi.

C'en est fini pour moi.

Pour Ma Survie Et Celle De L'humanité (TOME 2) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant