Nolan
Quand je me redresse, je vois le sang dégouliner de son oreille. Je ne suis pas fier de ce que je fais, pourtant, l'adrénaline qui coule dans mes veines me pousse à sourire. Un sourire mauvais, mais surtout déformé par ma lèvre boursoufflée. Pas besoin de miroir, je le devine.
Il ne m'a pas loupé le salop, je vais avoir une sacrée gueule cette semaine !
Le bougre n'en a visiblement pas fini avec moi, il amorce sa transformation. Dans quelques secondes à peine, je me retrouverais face à un loup imposant, qui n'aura qu'une envie, me butter. Sauf que mon adversaire n'a pas appris ses leçons. Je ne me transforme jamais durant un combat. Jamais. Ce sont mes batailles, pas celles de mon loup. Puis, il y a un truc que j'ai découvert avec le temps, pendant ces quelques secondes de transformation, on se rend vulnérable.
Les acclamations des parieurs autour du ring improvisé fusent de plus bel.
Eux, ils savent.
J'envoie mon poing dans la tempe de l'homme qui m'a fait face ce soir. L'impact est rapide et violent. Je sens un os bouger contre mes phalanges, et surtout, je vois l'instant où il comprend. Ces millisecondes ridiculement longues, pendant lesquelles il se rend compte que le combat est fini, qu'il ne le remportera pas, juste avant que son regard ne papillonne, et qu'il ne s'évanouisse.
Mes oreilles bourdonnent, j'entends à peine la foule s'égosiller. Malgré moi, je lui ai offert ce qu'elle voulait, ce pour quoi elle a payé : de la violence et du sang. Il est temps de tirer ma révérence. Je titube légèrement sur mes jambes sous les acclamations éphémères. Deux minutes plus tard, j'observe ma lèvre fendue dans le miroir du vestiaire, où Mike ne tarde pas à me rejoindre.
— La forme ?
Je touche ma bouche en grimaçant.
— Il m'a fait mal ce con.
— Désolé princesse, je te ferais un bisou magique en te bordant ce soir. Mais là, il faut que tu te magnes, si on veut le suivre.
Mon meilleur ami me lance un clin d'œil, amusé par sa propre connerie, alors que je lui grogne de foutre le camp. Cependant, il a raison, je dois me dépêcher de me changer. Ce n'est pas pour le plaisir que nous avons repris les combats clandestins il y a quelques semaines. Et c'est encore moins pour faire plaisir à tous ces humains en costards/cravates, qui viennent oublier qu'ils ont des vies pourries, en pariant leurs salaires sur des lycanthropes qui se mettent sur la gueule.
Je crois que c'est ça qui m'a le plus choqué, la première fois. Le public. Je ne sais pas vraiment à quoi je m'attendais, mais, pour être honnête, pas à des humains lambda, des pères de famille, des employés modèles, qui se transforment en bêtes rugissantes, assoiffées de sang, à la nuit tombée.
Je traverse le couloir à peine éclairé, en terminant d'enfiler mon t-shirt, les murs fins n'atténuent pas les vrombissements engendrer par le combat en cours. Je devine, sans même le voir, qu'il est brutal. Arrivé à la porte métallique qui me mènera au parking de cette vieille usine désaffectée, l'un des gorilles du Boss m'interpelle :
— Ta part pour ce soir.
J'observe un instant l'enveloppe ridiculement fine qu'il me tend, avant de jeter un coup d'œil discret vers les liasses de billets qui sont destinées à celui qui organise ce « divertissement ».
Nous n'avons pas repris pour le fric non plus, de toute évidence !
Je marmonne un vague remerciement avant de me casser de cet endroit de malheur, pour rejoindre Mike dans la voiture. La situation entre les humains et les lycanthropes n'a jamais été aussi tendue, le simple fait que ce lieu soit bondé trois soirs par semaine en est la preuve. Et c'est pour cette raison, que je suis de retour dans le milieu.
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Be my fatality...
Werewolf« L'âme sœur, chez les lycanthropes, est un concept qui désigne une compatibilité amoureuse et sexuelle qui serait parfaite entre deux individus. L'expression a des définitions variables, mais toutes ramènent à l'idée selon laquelle ces individus on...