Chapitre 38

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Nolan

J'ai fini par abandonner toutes tentatives de me concentrer sur cette foutue liste de noms. Parfois il faut savoir se résigner. À la place, je me suis installé au volant de ma voiture, pour prendre la route. Après une heure à arpenter l'asphalte, j'enclenche mon clignotant, pour emprunter une route à peine assez large pour que deux voitures s'y rencontrent. Vingt minutes, et deux intersections plus tard, ma destination se profile au loin.

Quand j'étais plus jeune, ma mère se plaisait à dire, à qui voulait l'entendre, que je finirais avocat, médecin, ou un truc du genre. J'étais un gamin qui réussissait sans le moindre effort à l'école, et j'aimais cet environnement, quoi de plus normal, alors, que ma mère me voit faire de longues études ? Évidemment, les choses ne se sont pas passées comme elle l'espérait.

Après son décès, j'ai quitté le lycée, pour ne jamais y remettre les pieds. De mes dix-sept ans à mes vingt ans, j'ai participé aux combats illégaux pour « gagner » ma vie. J'habitais dans une baraque délabrée, où je dormais sur un matelas pourri à même le sol, avec comme colocs une bande de lycanthropes tous plus abîmés les uns que les autres.

Mais un jour, tout ça a pris fin. Mon père est revenu, m'a sorti de là, non sans une bonne pointe de déception dans le regard. Apparemment, ça faisait deux mois qu'il était de retour, qu'il avait pris la tête de la meute Émeraude, et qu'il me cherchait. Je ne sais pas exactement ce qu'il a dit, fait, ou combien il a dépensé, pour convaincre le Boss de mettre fin aux contrats que Mike et moi avions signés des années plus tôt, mais il l'a fait. À mon retour dans la meute, une part de moi, stupide, espérait qu'il prendrait Mike sous son aile, que nous formerions une famille tous les trois. Une famille un peu bousillée, certes, mais une famille quand même. J'avais tort, Daniel Johnson n'a jamais eut l'intention de reformer une famille. Sa famille, c'était sa femme, et il l'avait perdue quatre ans plus tôt.

Malgré tout, je ne peux pas dire que nous n'y avons pas gagné au change. Mike et moi avons tous les deux intégrés la meute Émeraude, et s'il s'est de suite mis au service de mon père, j'étais, pour ma part, quasi sûr que je ne pourrais pas y rester longtemps. J'avais vingt ans, et je venais de passer les dernières années à noyer mes neurones dans du mauvais alcool. Alors après un sevrage forcé, qui m'a pris quelques semaines, j'ai sérieusement réfléchi à ce que je voulais faire de ma vie. Être dans une salle de classe, n'avait plus la même saveur rassurante pour moi qu'à l'époque. D'un autre côté, pas besoin d'être Einstein pour savoir que me lancer dans le monde du travail, sans diplôme, et sans pouvoir expliquer ce que j'avais fait ces quatre dernières années, n'allais pas être de la tarte. Têtu, ça ne m'a pas empêché de tenter quelques entretiens, j'ai évidemment menti sur mon passé, mais ça n'a pas pris.

Le problème, c'est que j'avais encore cette colère en moi, qui me consumait, sauf que je n'avais plus de moyen pour me défouler. C'est donc sans grande surprise, qu'à peine deux mois après mon retour, une journée grisâtre d'automne, m'a fait péter les plombs. C'était l'anniversaire de sa mort, ça faisait quatre ans, jour pour jour, que ma mère avait été arrachée à ce monde. Les années précédentes, je demandais à être choisie pour me battre contre les adversaires jugés les plus forts, je mettais un point d'honneur à finir inconscient, soit à cause des coups, soit à cause de la boisson. Mais cette année-là, je n'avais plus mes exutoires. Pour ne rien arranger, je pouvais observer de mes propres yeux, l'indifférence de mon paternel. J'étais incrédule, lui qui l'avait tellement aimé, que j'avais vu entré dans une fureur sans nom le jour où il l'avait perdu, voilà qu'il vivait son petit quotidien comme si de rien n'était. Il ne m'a même pas adressé la parole ce jour-là. Pour tenter de faire taire ma colère et ma tristesse, j'ai renoué avec mon vieil ami, l'alcool. Je ne sais pas exactement ce qu'il s'est passé, mais le lendemain, alors que je cuvais sur du carrelage froid, on m'a jeté un seau d'eau dessus.

Be my fatality...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant