Chapitre 10

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Aelys

— Je suis une imbécile.

J'entends le léger bruit que produit la langue de ma mère, quand elle vient claquer contre son palais, juste avant qu'elle ne me réponde :

— Ta tante est une emmerdeuse, qui ne peut pas s'empêcher de se mêler de ce qui ne la regarde pas.

Je grimace.

— Ce n'est peut-être pas elle...

Je suis persuadée que c'est elle.

— Pff ! À d'autres, ma fille. Toujours à donner son avis, surtout quand on ne le lui demande pas... Je mets mes deux mains et ma tête à couper que c'est elle !

— Ne vous engueuler pas pour ça. C'est fait, c'est fait.

— Oh, mais je n'ai pas l'intention de gueuler.

Ce qui ne veut absolument pas dire que ma tante ne va pas passer un très mauvais quart d'heure au prochain rendez-vous familial. Il s'avère que ma mère est un petit bout de femme assez... Disons, déroutant. Du haut de son mètre cinquante, elle n'est pas du genre à se laisser impressionner, c'est une personne entière, qui ne mâche pas ses mots, malgré son minois angélique. En gros, elle est capable de vous dire d'aller vous faire foutre, même si son visage rayonne de gentillesse ! On l'a beaucoup sous-estimé à cause de sa petite taille, et de sa stature plutôt menue, surtout qu'elle a eu, très jeune, l'ambition de devenir infirmière urgentiste. À part mon père, personne ne l'a vraiment soutenue dans ce projet, tout le monde pensait qu'elle n'aurait pas les épaules. Aujourd'hui, ça fait un paquet d'années qu'elle exerce ce métier, c'est elle que ces collègues appellent pour soigner les grands gaillards beurrés, qui se mettent sur la tronche pendant les soirs de matchs. Elle n'est pas très grande, mais elle a un tempérament qui fait qu'on la respecte.

Et du haut de ton mètre cinquante-cinq, il est passé où, à toi, ton tempérament ?

Comme souvent, j'évite de m'attarder sur ce que me murmure la voix de la mégère, et demande plutôt à ma mère :

— Pour Léonard, maman, je fais quoi ?

Étant donné qu'elle n'apprécie pas particulièrement le jeune homme, on pourrait s'attendre à ce qu'elle me conseille de l'envoyer bouler, sans même faire semblant de réfléchir à la question. Néanmoins, ma mère ne souhaite qu'une chose : mon bonheur. Alors, après quelques secondes d'une réelle réflexion, elle me répond, de sa voix la plus douce :

— Tout dépend de toi, mon poisson rouge. Si tu as envie de tenter quelque chose avec cet homme, va de l'avant, fonce ! Tu auras tout notre soutien, c'est évident. En revanche, si tu le considères simplement comme un collègue, ou un ami, alors il faut le lui dire, rapidement...

Je sais qu'elle a raison. En fait, je connaissais la réponse à ma question bien avant de la poser. Le truc, c'est que je ne suis pas prête pour une aventure, quelle quel soit, ni avec Léonard, ni avec personne d'autre, je le sais. Mais d'un autre côté, le fait de devoir agir, d'être obligée de le repousser, m'angoisse assez pour me pétrifier d'avance. Évidemment, ma mère n'a pas besoin que je réponde quoi que ce soit, pour savoir que c'est, d'ores et déjà, la panique générale dans mon esprit. C'est donc tout naturellement qu'elle change de sujet, en m'interrogeant :

— C'est ton jour off, non ?

— Oui.

— Cool ! C'est quoi ton programme aujourd'hui ?

Qu'on s'entende, elle ne minimise pas ma situation, simplement, elle me pousse, plus ou moins subtilement, à me fixer des petits objectifs faciles à réaliser pour cette journée. Aussi loin que je me souvienne, c'est sa technique personnelle pour m'aider à arrêter de me prendre la tête toute seule.

Be my fatality...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant