Chapitre 59

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Nolan

Je passe le quart d'heure qui suit, légèrement en retrait de la foule qui s'égosille, à observer discrètement les allées et venues des hommes de mains du Boss. Il me faut une demi-heure de plus pour me rendre compte du petit manège qui se joue en arrière plan. À chaque fin de combat, le vainqueur se dirige vers les vestiaires, parfois après un cri rageur et libérateur, parfois après une révérence pour le public, parfois sans un regard pour lui. Quant au perdant...

Où est-ce qu'ils les emmènent ?

Pressé de mettre les voiles après mes propres combats, je ne m'étais pas posé la question jusqu'ici. À l'époque, un médecin, peu scrupuleux, mais sans doute bien rémunéré, nous rafistolait dans une pièce annexe aux vestiaires. Quand il ne pouvait rien pour nous, il nous disait de nous démerder pour aller à l'hosto, si on ne voulait pas dérouiller pendant des mois, voir clamser. Depuis que nous avons repris, je n'ai pas vu un seul des gars mit au tapis être ausculter par qui que ce soit.

C'est peut-être fait ailleurs...

Cette hypothèse, même si elle est plausible, ne me convainc pas vraiment. Certes le bâtiment est immense, mais seule une infime partie est utilisée pour les combats, le reste ayant été jugé trop insalubre pour s'y aventurer. Justement, le combat en cours touche à sa fin. Les deux lycanthropes s'en sont mis plein la gueule sous leur forme humaine, avant de laisser émerger leur loup. Les deux animaux se sont montré féroce et agressif, mais l'un des deux a été plus rapide dans sa dernière attaque, ce qui lui a permis de prendre le dessus. Au moment où la cloche sonne, annonçant la victoire par KO, deux mecs montent en vitesse sur le ring pour récupérer le corps inerte du loup et le tirer vers un couloir qui se trouve à l'opposé des vestiaires.

Autant en avoir le cœur net.

J'essaie tant bien que mal de ne pas les perdre de vue, tandis que je traverse la foule hystérique, déjà prête à dégainer des billets pour parier sur les prochains combattants. Mais, le temps que j'arrive vers le couloir, ils ont disparu. Je tends l'oreille, sauf qu'à part le raffut derrière moi, je n'entends pas grand-chose. J'hésite à simplement me faufiler dans ce couloir comme si de rien n'était, au risque de me retrouver face à plusieurs hommes de mains...

Au pire, je jouerais le neuneu qui s'est paumé.

Au bout de quelques minutes, j'arrive à ce qui devait être une zone de chargement à l'époque, et j'ai tout juste le temps de me glisser dans une sorte de bureau, alors que les deux gorilles qui ont récupéré le lycanthrope KO, reviennent sur leurs pas, les mains vides. De là où je suis je ne peux pas voir ce qu'ils ont fait de son corps, mais une chose est sûre, il n'y a aucun médecin dans le coin. Au moment où ils passent devant ma cachette de fortune, je capte une partie de leur conversation.

— Y a que des poids plumes ce soir, il ne va pas être content.

— J'avais dit que c'était un risque, avec autant de nouveaux, mais on ne m'écoute jamais !

— Oh ça va, recommence pas avec tes conneries...

Je patiente un moment, avant de prendre le risque de bouger, et de sortir de cette pièce pour reprendre ma route. Concentré, je tends l'oreille pour être certain de ne pas être surpris par qui que ce soit. Je dois me cacher deux nouvelles fois, avant d'arriver face à l'une des scènes les plus horribles que j'ai vus de ma vie.

Pendant un instant, j'oublie qu'on ne doit pas me surprendre dans ce coin de l'usine. Dans la pénombre, mon corps se fige, une vague de chaire de poule me parcourt, tandis que je déglutis avec difficulté...

C'est pire que ce qu'on imaginait.

***

Aelys

Be my fatality...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant