La mémoire de papier

13. La plus dangereuse des mers

Seïri chantonnait avec douceur une mélodie dont l'origine lui était inconnue, sans aucun doute perdue dans les méandres de ses souvenirs disparues.

À cette pensée, elle sentit la cicatrice à l'arrière de son crâne la titiller, là où un choc lors de l'accident ayant causé son naufrage avait laissé une marque indélébile.
Elle cautérisait lentement mais sûrement, sans aucun doute grâce aux soins quotidiens et attentionnés que lui donnait Deuce.

Et aussi un peu grâce à ce docteur trouvé miraculeusement sur l'île des hommes poissons et dont elle sentait encore les points de suture à la base du cou.
Le second de l'équipage lui avait assuré que si sa guérison continuait de cette manière, il pourrait bientôt les lui enlever. C'était ce coup là près de l'hippocampe, cette zone du cerveau contenant la mémoire qui lui avait arraché son passé.

Elle avait aussi récupérée d'autres marques de cet évènement dont elle ne connaissait ni l'origine ni la portée, soient sa marque sur la joue et cette gêne constante dans l'omoplate gauche.

Mais maintenant, elle réalisait qu'elle s'en fichait... oui elle se fichait bien de comprendre ce qu'il s'était passé.
Bien évidemment si on lui offrait ces informations sur un plateau, elle ne les refuseraient pas. Mais cela ne voulait pas dire pour autant qu'elle irait les chercher au prix de sa vie et de sa liberté.

Elle avait trouvée des compagnons.
Et elle se sentait bien ici.

Sur le "Piece of Spadille" perdue depuis quelques jours maintenant sur les eaux du Shin Sekai.
La brune agita avec amusement la tête alors que les évènements des derniers jours lui revenaient en tête.

Si au début cette mer nouvelle leur avait semblé plutôt calme, ils avaient fini par se faire attaquer par deux équipages désespérés. Leurs bateaux respectifs étaient dans de tels états qu'elle s'était demandée comment ils pouvaient bien tenir encore debout.

Cela relevait presque du maléfice. Mais au final, eux qui s'attendaient à tomber sur des pirates les plus redoutables les uns que les autres avaient défait avec une grande simplicité leurs adversaires.
Avec une trop grande simplicité à vrai dire.

Mais après ils avaient compris.
Ils avaient compris en parlant à ces braillards, hurlant qu'ils voulaient retourner au "Paradis" soit la première moitié de Grand Line... qu'ils étaient en quelque sorte leurs prédécesseurs. Des pirates comme eux qui s'étaient lancés dans le Nouveau Monde en espérant s'y faire une place.

Or cette mer était le territoire des empereurs.
Et seuls eux semblaient y avoir toutes les libertés.

Suite à cette prise de conscience Ace s'était encore plus enflammé. Son feu se renforçait jour après jour, minutes après minutes en accord avec sa volonté destructrice.

Car lui aussi allait s'élever sur ce bout du monde.
Et il allait tous les dépasser.

Ace... elle pouvait l'appeler capitaine maintenant.
Car c'est ce qu'il était. Elle était la vingtième membre officielle de l'équipage si l'on ne comptait pas leur chef, ce grand utilisateur du Mera Mera no Mi.

Depuis seulement trois jours.
Mais elle l'était.

Seïri étouffa un petit rire dans sa barbe alors qu'elle épluchait une douzaine de carottes qui iraient accompagner le poisson miraculeusement pêché du petit matin avec une bonne casserole de riz.
Sans compter la sauce à la crème qui bouillonnait juste derrière elle.

C'est qu'il fallait les nourrir ces pirates.

Après tout, c'était surtout le temps du Nouveau Monde qui mettait leurs nerfs à rudes épreuves.
S'il était imprévisible sur la première moitié de Grand Line, alors on ne pouvait même plus le nommer sur cet autre bout de l'océan.