7. Réveil brumeux

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Tout était sombre.
Et lourd.

Elle ne savait pas qui elle était.
Elle ne savait pas ce qu'elle faisait.

Elle ne savait pas ou elle se trouvait. Elle ne savait rien.

Et elle ne sentait rien.
Était elle même encore consciente ?... Était elle même vivante ? Était elle juste... quelqu'un ?...

Un frisson la saisit.
Ses sensations... elles revenaient.

Elle était vivante, de toute évidence ; car sinon comment expliquer ce froid langoureux qui glissait dans les moindres de ses vaisseaux, semblant cristalliser jusqu'aux cellules de sa peau les plus minimes ?... Comment expliquer cette douleur indescriptible qui semblait lui percer le cerveau, cette sensation d'engourdissement et de pétrification présente sur les moindres parcelles de son corps ?...

Elle remua ses lèvres avec difficulté, percevant à peine le gémissement étouffé qui en sortit. Sa langue était si pâteuse qu'elle lui collait au palet, un goût désagréable de médicament parcourant l'entièreté de sa bouche.

C'est comme si une dose d'anesthésiant équivalente à celle nécessaire pour un éléphant lui avait été administrée bien trop régulièrement.

Le monde qu'elle percevait de plus en plus autour d'elle n'était que brume.
Elle ressentait sa propre respiration hachée, son sang tapant ses tempes tel un tambour lors des fêtes traditionnelles.

Son cur battait fort dans sa poitrine.

Trop fort.
Tout était trop fort.

Son propre corps était maintenant bien trop bruyant.
Elle savait qu'il était présent au moins.

Qu'elle respirait et qu'elle était vivante.
Qu'elle était.

Mais il était soudainement trop dur d'être.
C'était dur d'être vivante.

De vivre.

Ah.
Pourquoi le monde ne voulait-il pas redevenir silencieux ?... c'était tellement mieux. Des abysses noires et éternelles dans lesquelles les sens s'engourdissaient, mais dans lesquelles l'esprit pouvait s'endormir en ses propres confins.

C'était un choix à prendre, un choix qu'elle n'avait même pas pu faire.
Un choix qu'elle n'aurait pas de sitôt.

Elle se débattait.
Par pur réflexe.

Elle essayait de s'extirper de cette gêne incessante qui accompagnait le retour continu de ses sens.

Cette douleur sourde dans la poitrine.
Sa gorge qui semblait se déchirer comme une flèche tendue sur son arc. Cette sueur brulante coulant dans son dos, sortant des moindres parcelles de sa peau ; telle des coulées de lave tout juste sorties de leur cratère.

Ses cils étaient collés sur ses joues glacées, chaque tentative d'ouvrir ses paupières se soldant par un cri douloureux lâché entre ses lèvres entrouvertes.
Durant un instant elle crût étouffer alors qu'un mélange pâteux et désagréable montait depuis le fond de sa gorge dans un râle étouffé.

Le grondement affamé de son estomac résonna en elle telle une guitare mal accordée, un goût désagréable de bile se posant sur sa langue de plus en plus sensible.

Tout se réveillait.

Son esprit.
Son corps.

En un mot, elle.
Mais pourtant tout lui semblait terriblement sans saveur. Car quand elle essayait de voir en elle-même... seul un vide plus grand que les abysses lui répondait. Un gouffre si profond qu'elle pourrait s'y perdre pour toujours, sans que jamais qui que ce soit ne puisse jamais l'y repêcher.

La mémoire de papierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant