La mémoire de papier

42. Comment se moquer d'un ananas

Marco regrettait rarement des choses dans sa vie. Déjà parce que ça faisait partit de sa philosophie en tant que pirate.
Mais aussi parce que la simple idée d'un regret le dégoutait au plus haut point.

Il vivait au jour le jour.
Et il était suffisamment puissant pour pouvoir se permettre de faire plus ou moins ce qu'il voulait. Alors oui, regretter ne faisait presque pas partit de son vocabulaire. Or la soirée dont il était actuellement victime et acteur allait peut-être en devenir un.

M'enfin ça ce serait son problème à la fin.
Car pour le moment le commandant de la 1ère flotte n'avait qu'une idée en tête alors qu'il buvait une énième chope de rhum, le tintement de la menotte en granit marin qu'il s'était intentionnellement attaché à la cheville résonnant à peine à ses oreilles.

Tout avait commencé de la plus idiote des manières à vrai dire.
En début d'après midi, alors que le blond et Thatch avaient été scotchés sur place par l'apparition de Seïri, la jeune subordonnée du second du capitaine en qui il avait découvert une femme sublime au bras d'Izou, l'amant des soirées arrosés du cuisinier ; leurs trois idiots de frères n'avaient pas fait que se marrer.

Non.
Ils avaient décidés de pousser le bouchon encore plus loin.
De s'amuser jusqu'au bout.

Alors ils avaient fait très simple, décidant ni plus ni moins de lancer un défi sur l'honneur aux deux hommes qui débattaient avec leurs sentiments.
Après tout n'était pas pirate celui qui n'avait pas un minimum d'intégrité personnelle ou de principes.

Ainsi les termes avaient été très simples, puisque de toute évidence les deux fils de Barbe Blanche se voilaient autant la face l'un que l'autre ; celui qui en disait le moins lors du jeu à boire du soir avait gagné.
D'habitude Marco ne se laissais pas faire par ce genre d'idioties, décrétant qu'il avait bien trop de choses à faire pour s'en préoccuper, qu'il fallait quelqu'un pour les envoyer dormir dehors sur le sol au lieu de dégueulasser le pont du navire.

Mais là c'était différent.
Déjà il était contre Thatch, ce cuisinier de malheur qui lui tapait gentiment sur le système depuis quelques jours, et encore une fois il n'était pas près de louper une occasion de fermer le clapet de l'homme à la coupe pompadour.
Et aussi... il devait admettre que pour la première fois depuis longtemps, il s'était sentit attaqué.

Ils voulaient une preuve ?!
Et bien parfait. Il allait la leur donner sur un plateau et leur prouver par la même que lui, Marco le Phénix n'était pas près d'avoir le béguin pour une gamine arrivée de nulle part. Même si elle était en fait un joli petit bout de femme.

Sans s'en rendre compte, ses pensées dérivèrent vers le sourire ravissant que la brune affichait face au geisha, les rayons du soleil la faisant resplendir comme un petit joyau alors que le vent doux agitait ses cheveux et les plis raffinés de son kimono, caressant ses formes concises.
Bon dieu... qu'elle vision il avait eu...

Marco secoua la tête dans un état second, constatant avec dépit que son verre était encore une fois vide.
Il avait du mal à penser, les vapes de l'alcool dont il subissait si peu souvent les conséquences sans aucun doute. Effectivement, avec l'acquisition de son pouvoir du phénix bien des années plus tôt, le premier fils de Barbe Blanche avais obtenu une capacité des plus intéressantes et amusantes.

Une immunité à l'alcool naturelle. En fait c'était très simple. Il se régénérait face à tout, si bien que dès que son corps pouvait ressentir ne serait-ce qu'un signe d'un produit pouvant être nocif pour lui, il l'éliminait.
Ça comptait l'alcool évidemment, mais aussi les drogues et les blessures bien sûr.

Il ne se plaignait pas de ce talent.
Mais il n'empêche que pour pouvoir mener le jeu et le défi à bien, il avait besoin de ressentir les effets de la boisson. Alors quand le soleil s'était enfin couché, toutes les tâches nécessaires effectuées et une bonne partie de l'équipage en quartier libre, le blond s'était attaché de lui-même une menotte en Kairouseki ; la clé bien cachée dans la poche de son pantalon.
Comme ça, aucune chance qu'on ne l'accuse de triche.