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Malkia se tourna, se retourna dans son lit défait par ses mouvements agités qui traduisaient ses tourments. Incapable de dormir, elle faisait cauchemar sur cauchemar depuis qu’elle avait jeté son corps sur ce support doux, mais qui ne pouvait faire disparaître ces tourments. Fatiguée d’essayer, elle se redressa, les bras tirés en arrière, les paumes à plat sur les draps froissés. Elle observait, les yeux mi-clos, un point invisible devant elle, haletante.

Elle se sépara de sa couverture et alla ouvrir la baie vitrée qui donnait sur le balcon de sa chambre. La nuit était tombée ; tout était sombre, impossible de discerner quelque chose dans cette obscurité, mais ça lui allait. Elle ne voulait rien voir et ne voulait pas qu’on la voie, même pas la nature. Tout ce dont elle avait besoin, c’était la solitude et l’air frais qui soufflait dans ses cheveux, caressait sa peau et calmait son esprit hanté par les vieux démons du passé.

Ses fesses trouvèrent place sur le sol froid, et elle dut retourner dans la chambre récupérer sa couverture et un plaid avant de revenir. La couverture tomba sur le sol ; avec ses doigts et ses paumes, elle l’étala soigneusement pour qu’il recouvre la partie du sol égale à la taille de son corps allongé, avec une marge pour qu’elle puisse se retourner sans soucis. Le plaid trouva ses épaules pour venir se refermer sur elle.

Adossée au mur, elle contempla ce paysage sombre mais apaisant qui se découpait devant elle. La nuit était l’inverse du jour ; elle cachait la beauté et mettait en lumière la laideur. La beauté, c’était ce diorama sublime qui se dévoilait à la lumière du jour, et la laideur était ses peines qu’elle cachait en elle le jour.

La nuit, berceuse, silencieuse, la meilleure compagnie qui soit pour une âme en peine, incitait à la confidence. Elle appelait à elle toutes ces personnes blessées et leur demandait de lui livrer leurs tristesses, leurs haines, leurs blessures profondes ou non, leurs regrets, leurs remords, leurs espérances… Et elle promettait de garder le secret.

Et dans la nuit, les ténèbres, les yeux lâchaient les larmes qu’ils contenaient, les gorges se dénouaient, les langues se déliaient, les lèvres s’ouvraient, et le son de la mélancolie résonnait, accompagné de mots parfois sourds, parfois vivants, mais toujours emplis de douleur que supportait parfaitement cette obscurité confortante. Elle écoutait chaque peine avec attention, et sans parler, elle consolait, même si elle rappelait la solitude, le rejet, l’abandon…

Et la nuit appelait aujourd’hui Malkia, et comme aux autres, elle se présentait à elle comme la meilleure amie qui soit. Malkia se laissa bercer et parla de ses blessures qui jonchaient son cœur à travers ses larmes qui devalaient de ses yeux et disparaissaient dans le plaid.

Elle projeta devant ses yeux un de ses cauchemars terrés en elle que Matteo avait déterré aujourd’hui. Ses billes océanes se perdirent en cette soirée de Noël, quatre ans en arrière.

Début Flash Back:

Elle se revoyait, plus jeune, vêtue de son gros pull-over aux couleurs de la période de la Nativité, ses grosses bottes, marchant dans les rues de New York pour rentrer chez elle. Le restaurant dans lequel elle travaillait avait fait tables complètes et ils avaient fermé un peu plus tard que d'habitude, ce qui était bien d'un côté car elle avait gagné plus d'argent avec les pourboires, et d'un autre côté, elle appréhendait la réaction de sa belle-mère, celle-ci étant pointilleuse sur l'heure du couvre-feu.

Elle courait presque sur la route couverte d'un manteau blanc dans lequel ses bottes s'enfonçaient à moitié à chacun de ses pas. La neige qui tombait du ciel se dissolvait sur son manteau et elle commençait à geler. Dix minutes après, elle était arrivée à la maison, qui, comme toujours, était la seule dépourvue de décoration de Noël. Elle avait voulu le faire, mais devant le refus catégorique de sa marâtre, elle avait dû faire avec.

Perfect AddictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant