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A travers les baies vitrées, la lune pleine et éclatante inondait la vaste chambre de sa clarté argentée. Assis sur le rebord de la fenêtre, une taffe dans la bouche et un verre de vin blanc entre les doigts, Matteo se laissait caresser par la douce brise nocturne qui faisait valser les rideaux détachés.

Il observait avec fascination la forêt inanimée, rendue fantomatique par l'étendue ténébreuse qui surplombait sa tête, percée par quelques étoiles à la lumière pâle, incapables d'accompagner la boule lunaire dans son rôle. Tout était si calme, mais apaisant à la fois, si profond et pourtant superficiel – une antithèse au cœur de laquelle on se sentait seul, maître du monde avec le pouvoir de réécrire nos histoires en leur donnant la fin que l'on voulait, ou non...

Son regard se porta alors sur Malkia, emmitouflée dans les draps. Son corps nu endormi, emmailloté dans les couvertures, était rafraîchi par la climatisation automatique, alliée à la brise qui la berçait depuis la fin de leur ébat. Son visage était détendu ; elle semblait apaisée, transportée dans un monde merveilleux. Elle avait l'air d'une petite fleur belle et fragile, sans épine, posée délicatement sur ses draps blancs qui étaient maculés infiniment de la preuve de sa pureté qu'elle lui avait donnée sans rien lui demander en retour.

C'était peut-être machiste, mais il n'avait jamais goûté à autant de douceur ; elle avait un goût, une odeur, une aura qui se détachait aisément de celles qu'il avait déjà pu rencontrer. Il avait essayé d'être à la hauteur de sa tendresse en lui offrant la plus suave des nuits, avant de devenir égoïste en lui imposant un rythme de vie auquel elle n'aurait jamais pensé s'il n'avait pas croisé son chemin. Pourtant, son caractère de feu avait pris le dessus sur une partie de ses mouvements. En y repensant, à ce moment sensuel et riche de découverte, un sentiment de fierté l'envahit, fierté du fait d'avoir été son premier homme, fierté relative au fait que maintenant il n'y avait plus aucune barrière entre eux, elle lui appartenait entièrement, corps et âme.

Il était en train de la contempler avec insistance, comme un voyeur épiant les moindres faits et gestes de sa victime, comme si elle était la personne la plus importante qu'il soit, et que la regarder changerait le cours de sa vie. Tout comme un psychopathe, il ressentait du désir en la voyant allongée, si fragile, si innocente c'en était presque malsain.

Elle bougea légèrement dans son sommeil, dévoilant une partie de sa cuisse nue, ce qui creusa ses joues en se rappelant du rôle qu'ils avaient joué pendant leur œuvre de chair passionnée.

Cependant, il fut brutalement arraché de ses pensées par un bruit sec et bref qui provenait de l'arrière-cour. Il attendit une minute que ses doutes soient confirmés en tendant l'oreille, et là :

Crac !

Une autre branche qui venait de se rompre sous la pression d'un autre corps.

Et là, l'alarme se mit à retentir dans sa tête ; quelque chose n'allait pas. Jamais aucun animal ne s'était aventuré jusque-là ; il y avait donc un homme, mais comment avait-il réussi à passer les barrières de sécurité qui étaient censées être infranchissables ? Comment ? Il n'avait pas le temps pour l'instant de cogiter là-dessus ; il s'y attarderait à son retour en Sicile. Tout ce qui comptait pour le moment était de se sortir de là au plus vite.

Il quitta la fenêtre, se débarrassa de ses produits toxiques pour réveiller Malkia, dont le sommeil n'avait pas encore été dérangé.

— Hey, dit-il au-dessus d'elle.

Il la secoua d'abord doucement pour ne pas la bousculer, mais en constatant qu'elle ne se réveillait pas, il mit plus d'ardeur dans ses gestes et elle sortit enfin de sommeil.

— Enfin, la belle au bois dormant retrouve son prince, dit-il avec un sourire.

— Tu n'étais pas censé me réveiller avec un baiser, plaisanta-t-elle.

Perfect AddictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant