Chapitre 3 : Des marques sur la pierre

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Je suis persuadé que le Général Sylvène arrivera à convaincre sa sœur de le suivre. Oh il y laissera très certainement quelques plumes mais les liens du sang sont particulièrement puissants dans leur famille : ils sauront mettre leurs griefs de côté pour honorer mon invitation. Il me tarde de pouvoir exploiter leur potentiel ! Je dois avouer que je suis extrêmement impatient de les voir arriver dans ma ville. J'ai de grands projets pour eux.

                                                                                             Yasuël d'Amelin, Hybride, Seigneur d'Amelin


« Tu... Tu ne vas pas me tuer ?

-Je refuse de tuer ma propre sœur. Va-t'en.

-Sylv'... Tu ne peux pas...

-Je t'ai sauvé la vie, à toi d'en faire ce que tu veux. À partir de maintenant, tu n'es plus rien pour moi. Tu n'existes plus. Ma sœur est morte d'une morsure de Loup-garou. Toi, tu es une Créature. Une ennemie. Disparais !

-Non ! Pas ça ! Sylvène, tout mais pas ça ! Tu ne peux pas me bannir ! Je...

-Va-t'en ! Dépêche-toi avant que les soldats ne reviennent !

-Mais... Mais où dois-je aller ?

-Ce n'est plus mon problème. Je te laisse une chance de survie. C'est plus que ce que tu pouvais espérer vu ton état. Si tu dois mourir aujourd'hui, ce ne sera pas de ma main.

-Alors, c'est ça la solution que tu as trouvée pour soulager ta conscience ?

-Ma décision est irrévocable. »


Le souvenir disparut aussi vite qu'il était arrivé, laissant Sylvène seul, le corps et l'esprit douloureux. Épuisé, il regarda autour de lui, espérant apercevoir la silhouette d'Aurora dans les ténèbres de la forêt, mais sa sœur semblait s'être bel et bien volatilisée. Il n'avait été qu'un jouet entre ses griffes. Elle l'avait balayé, tel un vulgaire fétu de paille sans lui laisser la moindre chance. Jamais il ne s'était senti aussi impuissant. Aussi humilié. Chaque coup, chaque parole avait porté. Elle avait su exactement où frapper pour l'atteindre. Lui faire mal. Sylvène alla vers les buissons en boitant et les fouilla pour retrouver son sac. Celui-ci ne semblait pas avoir trop souffert de l'attaque : bien que le cuir ait été marqué par les griffes d'Aurora, il avait tenu bon. Le Général dénoua le lacet qui le fermait, vérifia rapidement que le contenu en était intact et en sortit une torche et un briquet d'acier. À ce stade, il n'avait plus aucun scrupule à allumer une flamme : de toute façon sa sœur devait parfaitement savoir où il se trouvait. Il commença à avancer, suivant la direction qu'Aurora avait empruntée en s'enfuyant. Rapidement Sylvène découvrit une première série d'empreintes à la lumière de sa torche, puis une seconde, et suivit la piste. Son ventre et son dos lui faisaient un mal de chien et sa respiration était sifflante. Il n'avait aucun moyen de vérifier l'état de ses côtes et, puisqu'il pouvait avancer, ce n'était pas le cœur de ses préoccupations. Aurora ne l'avait pas achevé et elle avait eu tort : il ne lui laisserait aucun répit tant qu'elle n'aurait pas cédé à ses revendications. Soit elle le tuerait, soit elle finirait par admettre que leur mère et leur sœur comptaient encore pour elle. De toute façon il n'avait plus rien à perdre.

Sylvène se pencha en grimaçant pour éviter des branches basses et manqua de trébucher sur les fondations d'un muret recouvert de ronces. Quelque part, un Loup se mit à hurler, puis un autre lui répondit. Aurora était-elle l'un d'entre eux ? Il n'en avait aucune idée. Revoir sa sœur après toutes ces années était une chose extrêmement douloureuse et déroutante. Il avait gardé le souvenir d'une jeune fille de dix-neuf ans, débordante d'énergie. Une jeune fille qui réussissait à rester optimiste et à s'épanouir malgré la mort qui la frôlait chaque jour. Elle partageait son amour pour le pain au miel et aux épices, adorait se hisser sur le toit de leur maison pour observer les étoiles quand les nuits étaient claires et se portait volontaire pour la plupart des patrouilles, juste pour le plaisir de chevaucher à bride abattue dans les folles herbes des plaines. Son rire était communicatif tout comme sa bonne humeur.

AMBRÛME : Le sang des TrémelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant