AMBRÛME : Le sang des Trémel

Prologue : La mort plutôt que la lune !

« Nous sommes l'ultime rempart. Nous sommes le bouclier de l'humanité. Nous sommes la guilde des Protecteurs.

Cadets, Cadettes ! Si nous sommes réunis sur cette place aujourd'hui, dans notre bonne vieille ville d'Aurore, c'est pour rendre hommage au fondateur de notre guilde : le général Constant de Guerri. C'est lui qui, en l'an I du cinquième âge, a créé l'ordre des Protecteurs avec le soutien du roi Emrode. C'est lui qui a réussi à rassembler les survivants des armées des anciens royaumes sous une bannière commune. Sans son courage et sa persévérance, jamais nous n'aurions pu tenir jusqu'ici. Jamais nous n'aurions pu faire renaître Ambrûme de ses cendres. Nous lui devons tout et, comme chaque année, je suis fier de commencer votre formation en vous accueillant dans un lieu qui porte son nom. Sachez que nous continuerons à défendre son legs jusqu'à notre dernier souffle !

Ce n'est pas parce que vous êtes en apprentissage que vous serez ménagés ou épargnés : les Créatures que vous allez affronter ne feront aucune distinction entre vous ou vos aînés plus aguerris. Vous venez à peine d'être nommés au rang de Cadet, mais vous allez devoir apprendre dès aujourd'hui à être plus rapides et plus intelligents qu'elles pour survivre. N'oubliez pas que l'argent de vos armes est votre meilleur allié ! Dans trois ans, si vous êtes suffisamment chanceux, vous pourrez prêter serment et devenir Protecteurs. Pour le moment, soyez dignes de l'honneur qui vous est fait et rappelez-vous que, si vous deviez tomber au combat, votre sacrifice aura contribué à sauver les vies de centaines de nos civils. L'âge sombre dure depuis plus de six siècles, mais nous n'avons pas dit notre dernier mot ! Tant que nous serons là, tant que nous nous battrons, les Créatures de la lune ne gagneront pas cette guerre. Pensez à vos pères et vos mères ! Pensez à vos frères et vos sœurs, à vos amants, à vos amantes et à tous ceux que vous aimez ! Vous trouverez alors la force de vous battre. Peu importe les horreurs dont vous serez témoins, vous ne faiblirez pas car vous n'en aurez pas le droit !

La mort plutôt que la lune ! »

Discours de Bérard de Brux, Général des Protecteurs de la ville d'Aurore, année 539 du cinquième âge

« Hé vous ! Oui vous, les trois gamins qui me reluquez depuis tout à l'heure avec vos yeux de hiboux dans l'fond de la taverne ! Approchez ! Ayez pas peur, je ne mords pas, moi. Si vous avez deux-trois lunars d'étain à m'offrir pour un godet de vin, j'saurai me montrer bavard. Allez quoi ! Je sais que vos supérieurs vous ont interdit de venir me parler : il paraît que j'ai une mauvaise influence sur les Cadets... Mais dites-vous bien une chose : ce que peuvent vous raconter les vieux briscards comme moi vous sera bien plus utile sur le champ de bataille que tout c'que vous enseigneront vos sergents-instructeurs !

Merci pour le vin, c'est généreux d'votre part. Avouez, chuis sûr que vous mourez d'envie de m'entendre pérorer un peu ! C'est que, en presque quarante ans d'carrière, j'en aurai tué des Créatures ! Quand on devient Protecteur, on s'dit qu'avec notre modeste contribution, on va quand même bien réussir à faire diminuer les populations de nuisibles, mais évidemment on s'trompe lourdement... Maudite engeance ! On n'a pas décapité un Loup qu'on s'retrouve avec quatre autres de ces fils de putain sur le dos ! Même chose pour les autres Créatures d'ailleurs. Pas d'répit, pas d'repos. Alors on patrouille, on surveille, on fait le ménage comme on peut et on essaye de survivre à chaque nuit. Un hiver passe, puis un autre, et soudain on s'rend compte qu'on est toujours en vie et qu'on a des poils blancs dans la tignasse ! Bon, là-dessus je reconnais que j'ai été plus chanceux que la plupart de mes camarades. Même si j'ai perdu des bouts, j'respire toujours, moi. Mais j'me dis bien que ça va finir par me retomber un jour sur la trogne. Question de logique. Tant pis : j'suis prêt. J'ai suffisamment d'images sales dans ma tête pour avoir envie de quitter ce monde.