AMBRÛME : Le sang des Trémel

Chapitre 18 : Dans la tourmente PARTIE 1

Aujourd'hui, la chance vient de changer de camp : j'ai enfin récupéré ce que j'avais de plus précieux sur cette terre. Par la lune ! J'ai encore du mal à croire qu'Aurora est de nouveau mienne... Maintenant que nous sommes de nouveau réunis, la conquête d'Ambrûme s'offre à nous sur un plateau. Le retour de la lignée de Morwenn a sonné.

                                   Arkivas de Morwenn, Loup-garou, Créateur d'Aurora

Sylvène avait l'impression que son crâne allait exploser. Foutredieu, qu'il avait mal ! Il roula péniblement sur le côté, passa une main tremblante dans ses cheveux et se tâta avec précaution l'arrière du crâne. Une douleur aiguë lui arracha aussitôt un grognement de douleur. Il se releva lentement et, pris d'un vertige, s'adossa contre la paroi rocheuse le temps que le monde cesse de tourner autour de lui.

« Lune ? »

Personne ne lui répondit. Sylvène cligna des yeux et tenta de rassembler ses souvenirs. Avaient-ils été attaqués ? Il se souvenait qu'il parlait avec sa sœur et qu'ils étaient sur le point de partir à Hautfort. Puis... Plus rien. Fébrile, il regarda autour de lui, tâchant de percer les ténèbres de la grotte. Aurora semblait avoir disparu. Avait-elle été emmenée ? Les Créatures du Prince les avaient-elles trouvés ? Gardant une main contre la roche pour se guider, Sylvène retrouva son sac et le fouilla pour y récupérer de quoi allumer une torche. 

La lumière des flammes lui confirma qu'il était bel et bien seul. Son crâne le lançait terriblement et il remarqua qu'une pellicule de sang séché recouvrait ses doigts. Au même moment, son pied buta contre un morceau de charbon. Surpris, il se pencha pour le ramasser et découvrit un message tracé sur la pierre. « Je ne le fais pas pour toi. Si je ne suis pas revenue à l'aube, fuis. »

Sylvène mit plusieurs secondes à réagir. Ses traits se crispèrent et il balança de toutes ses forces le morceau de charbon à travers la grotte. Il explosa en mille morceaux contre un rocher.

« Sang noir ! Aurora, mais qu'est-ce qui t'a pris ? »

Un nouveau vertige le saisit. Il retourna à son sac et attrapa une outre de vin. Il y but une longue gorgée et sentit le liquide lui réchauffer le ventre, lui remettant les idées en place au passage. Il but une seconde gorgée et la terre s'arrêta enfin de tourner autour de lui. Qu'avait fait sa sœur ? Depuis combien de temps était-elle partie ? Et pourquoi... Pourquoi l'avait-elle empêché de venir ? Une brusque bouffée d'angoisse envahit Sylvène. Il récupéra ses armes à la hâte et quitta la grotte.

Il faisait nuit noire à l'extérieur. La cascade continuait de saturer l'air d'humidité et son grondement, bien plus fort maintenant qu'il était sorti, l'empêchait d'entendre les autres bruits de la nuit. Une brise glaciale lui rougit le visage. Frissonnant, le Général rajusta son écharpe et les pans de son manteau tout en tâchant de faire le point. Aurora l'avait assommé. À en croire son message, elle avait agi de la sorte pour lui laisser une chance de survie. Pour le protéger. C'était... Jamais il ne se serait attendu à cela de sa part. Elle non plus n'avait donc pas cru au plan de Yasuël. Elle avait tenté de le rassurer durant leur voyage, mais elle lui avait menti !

Une foule d'émotions contradictoires bataillaient sous le crâne de Sylvène, renforçant son mal de tête au passage. Il se sentait furieux. Aurora l'avait écarté de leur mission sans lui demander son avis ! Bien sûr, en faisant cela elle le sauvait sans doute, mais il s'en sentait tout de même terriblement humilié. Elle le trouvait trop faible et pas assez fiable alors qu'il aurait pu l'aider ! Rageur, le Général commença à faire les cent pas devant la cascade, incapable de rester immobile. Il se sentait d'autant plus déstabilisé que, sous sa colère, il savait qu'il y avait autre chose. Était-ce du soulagement ? De la joie ? Il n'aurait su le dire avec précision. « Je ne le fais pas pour toi. » Mais Aurora l'avait quand même fait. Et l'idée d'avoir réussi à faire naître dans son cœur autre chose que de la haine réchauffait le sien.