L'enfant hurlait. Elle s'époumonait, le visage baigné de larmes, appelant sa famille à son secours. Elle était enchaînée à un poteau dans la plaine, tirant désespérément sur ses poignets en sang et rongés jusqu'à l'os pour tenter d'échapper à ses liens. Une silhouette noire se profila dans le ciel, la recouvrant de son ombre menaçante. L'enfant hurla de plus belle et Sylvène put voir distinctement son visage. C'était celui de Faéline, mais elle avait les yeux bleus.
Sylvène se réveilla une fois de plus en sursaut, le souffle coupé, haletant. Les images de son cauchemar tournoyaient dans son esprit, en une maudite sarabande. Furieux et encore sous le choc, il se leva d'un bond. Cela n'aurait-il donc jamais de fin ? Il faisait encore nuit noire : il n'avait dû dormir qu'une heure ou deux avant que son rêve ne le réveille. Il était glacé.
En grelottant, Sylvène mit ses bottes, se passa une couverture sur les épaules et attisa le feu qui était en train de s'éteindre. Il alla ouvrir la porte de la salle en grand et s'adossa au chambranle, l'esprit tourmenté. Ses sœurs et sa mère étaient loin de lui et il n'avait aucun moyen de les protéger de là où il était ! Tout ce qu'il pouvait faire, c'était essayer de gagner Amelin le plus vite possible. Si jamais Arkivas parvenait à mettre la main sur elles, il ne se le pardonnerait jamais !
Le Général serra les dents et frappa de son poing valide le bois de la porte. Et dire que c'était le hasard, rien que le fichu hasard qui avait mis ce monstre sur leur chemin ! Cela le rendait fou ! Sylvène aurait tout donné pour pouvoir prendre les choses en main et mettre immédiatement un terme aux agissements d'Arkivas. Fuir devant le danger ne lui ressemblait pas. Se cacher tel un animal devant un adversaire ne lui était jamais arrivé...
Une nouvelle fois, Sylvène frappa la porte, tâchant d'oublier son angoisse dans la douleur physique. Sautant d'un problème à un autre, son esprit le ramena à la petite Pleureuse enfermée dans sa cage. Il ne pouvait pas en vouloir à Anselme d'avoir agi ainsi. Dans sa vie, il avait vu bien des Humains faire de même, dans une tentative désespérée pour offrir une protection à une famille, un foyer.
Toutefois, il ne pouvait pas s'empêcher de ressentir de la pitié pour l'enfant condamnée. Il avait tué des centaines de Créatures et en avait vu mourir bien d'autres, alors pourquoi le visage de la Pleureuse le hantait-il ? Que s'était-il passé durant ces quelques semaines pour briser la carapace qui d'habitude le protégeait ? Sylvène eut un faible sourire. Il avait bien l'impression que les Créatures commençaient à lui retourner le cerveau ! Tout ce qu'il avait pu vivre avec Aurora, Meryl et les autres lui faisait remettre pas mal de choses en perspective et ce n'était pas des sentiments très agréables...
« Tu n'arrives pas à dormir ? »
Méva venait de surgir devant lui. Elle était enveloppée dans un grand châle pour se protéger de la neige, mais frissonnait de la tête aux pieds. Sylvène s'écarta avec empressement pour qu'elle puisse se mettre à l'abri.
« Que fais-tu ici ?
-Je viens m'assurer que tu vas bien. Ta prestation de ce soir semblait t'avoir affecté et je me doutais que ton sommeil serait encore agité. J'ai de nouvelles herbes pour que tu puisses dormir. »
Touché par sa sollicitude, Sylvène la regarda attraper un bol et y verser le contenu d'une gourde qu'elle avait amenée avec elle. En réalité, il se sentait responsable du sort des fermiers. En tant que Général Protecteur, sa première mission avait toujours été de protéger les civils des Créatures. Il savait par expérience que les belles paroles et les fanfaronnades d'Anselme avaient surtout pour but de le rassurer lui-même. Le vieux fermier mourrait. Méva mourrait. Ainsi que tous les autres.
« Ton esprit ne semble pas en paix », constata Méva en le surveillant du coin de l'œil.
Elle déposa le bol de tisane près de sa couche, puis s'approcha.
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AMBRÛME : Le sang des Trémel
FantasiaÀ Ambrûme, il faut tuer pour ne pas être tué. La guerre entre Humains et Créatures fait rage depuis des siècles et chaque clan, chaque ville, tente désespérément de survivre. Sylvène de Trémel, général Protecteur, a fait don de sa vie pour protéger...