Chapitre 22 : Une offrande pour les anciens dieux PARTIE 1

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Voilà quelque chose que tu me paieras très cher, Aurora. Comment oses-tu nous infliger cela ? Tu souffriras comme tu m'as fait souffrir. Je t'en fais la promesse.

                                                 Arkivas de Morwenn, Loup-garou


La ferme avait été construite à environ deux lieues de la route. De la fumée s'élevait des toits de chaume et, au fur et à mesure que l'on se rapprochait, on pouvait distinguer une dizaine de bâtiments disposés en cercle, ainsi qu'un moulin et deux enclos pour le bétail. Le tout était entouré par un large fossé et un rempart. Sa base était constituée de grands blocs de pierre et il se terminait par une haute palissade de bois. Ensevelis sous la neige, les champs alentour se confondaient avec la plaine herbeuse. 

Lorsque Sylvène arriva devant l'entrée, transi de froid malgré sa fièvre, les portes garnies de pics acérés restèrent closes. Le Général dut parlementer un bon moment avant que les habitants acceptent de le laisser entrer. Ce n'est que lorsqu'il montra le pendentif à son cou et qu'il accepta de prendre dans sa main un morceau d'argent jeté à ses pieds depuis le chemin de ronde, que les portes s'entrouvrirent. Sylvène pénétra dans l'enceinte et se retrouva aussitôt face à une dizaine de fermiers armés qui le toisaient avec un mélange de méfiance et d'animosité.

Un homme portant une longue barbe tressée, au visage marqué par l'âge et le travail, s'avança pour lui confisquer ses armes avant de lui poser une série de questions cinglantes, sous le regard attentif des autres habitants. S'efforçant de rester patient malgré son épuisement, Sylvène répondit avec calme et raconta la fable qu'il avait mise au point durant sa marche. Il s'appelait Medryc et était chasseur de primes et traqueur de Créatures. Ses deux coéquipiers avaient été tués la veille durant une attaque de Loups-garous. Lui-même grièvement blessé, il avait été le seul à en réchapper. Il souhaitait à présent gagner la ville de Griselis et, de là, atteindre Aerna pour rejoindre sa famille qui y vivait. Avant tout, il avait besoin d'être soigné et de trouver un endroit sûr pour la nuit. 

Sa demande crispa un peu plus les fermiers, mais quand Sylvène sortit une griffe de Massacreur de sa poche, l'atmosphère se détendit considérablement et les visages s'apaisèrent. Les griffes de Massacreur pouvaient se revendre jusqu'à cinquante lunars d'or chacune auprès des alchimistes qui les utilisaient dans la fabrication de leurs potions et de leurs onguents ou auprès des nobles superstitieux qui s'en servaient comme porte-bonheur. Les fermiers discutèrent encore quelques minutes entre eux, puis finalement rangèrent leurs armes et conduisirent Sylvène jusqu'à une grande longère.

Très vite, le Général se retrouva assis sur un banc, le bras posé sur un linge propre, tandis qu'une jeune femme l'examinait. La longère n'était constituée que d'une seule et vaste pièce faisant office de salle commune. En son centre, un feu ronflait joyeusement tandis que la fumée s'échappait à travers une ouverture découpée dans le haut plafond. Des crémaillères et des tréteaux accueillaient des casseroles et des chaudrons au-dessus des flammes. Tout autour de l'âtre, des bancs et de grandes tables conviviales occupaient la majeure partie de l'espace. Des étagères, des coffres et des garde-mangers en bois grossier placés contre les murs de torchis complétaient l'ameublement. Il faisait bon dans la pièce et une agréable odeur de pain chaud et d'herbes aromatiques flottait dans l'air. 

Regardant autour de lui avec curiosité, Sylvène avait l'impression de sortir d'un mauvais rêve. Il avait du mal à réaliser qu'il était à présent en sécurité, au sein d'une communauté humaine. Il accepta avec plaisir le godet de mauvais vin que vint lui proposer l'homme qui l'avait questionné. Celui-ci s'appelait Anselme et était le chef de la petite communauté. Bien que bourru de prime abord, Anselme semblait être un brave homme, surtout soucieux de la sécurité de sa famille et des siens. Assis à califourchon sur le même banc que Sylvène, le fermier aux tempes grisonnantes se lança dans une tirade ponctuée de bouffées piquantes provenant de la longue pipe en bois sur laquelle il tirait.

AMBRÛME : Le sang des TrémelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant