Le lendemain fut maussade et terne. Malgré sa fatigue, Sylvène n'avait pu dormir qu'une poignée d'heures. Son poignet était toujours aussi gonflé et douloureux : il remit son bras en écharpe de mauvaise grâce. Aurora fit son apparition dès qu'il se mit en route. Sous sa forme lupine, la Loup-garou se contenta de lui ouvrir la voie et de le guider vers les montagnes, restant toujours à bonne distance de lui pour décourager toute discussion. Sylvène respecta son éloignement et ne chercha pas non plus à la rattraper. D'abord parce ses blessures étaient encore trop vives pour lui donner envie de parler avec elle, ensuite parce que Meryl continuait de rôder autour de lui. Maintenant qu'il était découvert, le Loup noir ne quittait plus Aurora, marchant à ses côtés, jetant de temps à autre des regards lourds de reproches au Général, rendant sa progression oppressante. Ce dernier tâcha de ne pas montrer son agacement, bien décidé à rester de marbre face à son nouvel ennemi.
D'heure en heure, les Monts de Dell se faisaient plus imposants devant eux, plus menaçants, jusqu'à occuper tout l'horizon. Quand elle n'était pas exposée au soleil, la roche paraissait beaucoup plus sombre, presque noire par endroits. Les trois voyageurs atteignirent la rivière vers midi et commencèrent à la suivre. Deux heures plus tard, ils s'engageaient dans l'étroite vallée au milieu de laquelle serpentait le cours d'eau, pénétrant enfin sur le territoire des Monts de Dell. À partir de cet instant, Meryl disparut du champ de vision de Sylvène, à sa plus grande satisfaction, le laissant de nouveau seul avec Aurora. Ils continuèrent leur route sans croiser âme qui vive. Le soir venu, il n'y avait plus que les montagnes autour d'eux. Elles encadraient la petite vallée, écrasant le Général et sa sœur de leur présence menaçante.
Pour la première fois de la journée, Aurora daigna attendre son frère au pied d'un étroit sentier gravissait les hauteurs des Monts de Dell. Elle le regarda arriver d'un air furibond et se remit en marche dès qu'il fut à sa hauteur.
« Nous serons à Amelin demain dans la journée », indiqua-t-elle.
Sylvène sentit les vrilles de l'angoisse se ficher dans sa chair. Enfin ! Enfin il allait revoir sa famille et découvrir le visage de son ennemi !
« Une fois là-bas, chacun de nos faits et gestes sera épié. Nous ne serons plus en sécurité nulle part. Yasuël exploitera la moindre de nos faiblesses à son avantage et fera tout pour réduire notre marge d'action. Il nous veut à sa botte et il a de très bonnes chances d'arriver à ses fins : à nous de nous montrer plus malins que lui.
-Il te fait peur ? demanda Sylvène, légèrement surpris par le ton nerveux de sa sœur.
-L'Hybride possède des informations sur moi qu'il ne devrait pas avoir. Bien peu de Créatures sont au courant pour notre lien de parenté. Lui savait que tu étais mon frère et il savait que j'étais une Trémel avant d'être mordue. Comment ? Je n'en ai aucune idée et cela ne me rassure guère. Quels autres renseignements a-t-il pu trouver à notre sujet ? Ni toi ni moi ne devons sous-estimer sa dangerosité. »
Sylvène commençait à transpirer malgré le froid tandis qu'il gravissait le sentier au-dessus de la vallée. Tout en progressant, il réfléchissait aux paroles de sa sœur.
« Tu avais raison hier, déclara-t-il au bout de quelques minutes. Nous n'arriverons pas à le vaincre, si nous ne nous unissons pas contre lui. »
La Loup-garou s'arrêta un instant et lui jeta un regard étonné.
« C'est toi qui dis cela ? Le Spectre a dû te cogner plus fort que ce que je pensais...
-Je veux sauver mère et Faéline, éluda Sylvène. C'est la seule chose qui compte pour moi. Je... Si tu ne juges plus mes choix d'Humain, je ne jugerai plus tes choix de Louve.
VOUS LISEZ
AMBRÛME : Le sang des Trémel
FantasyÀ Ambrûme, il faut tuer pour ne pas être tué. La guerre entre Humains et Créatures fait rage depuis des siècles et chaque clan, chaque ville, tente désespérément de survivre. Sylvène de Trémel, général Protecteur, a fait don de sa vie pour protéger...