« Au fait, gamin ! l'interpella Sylvène tandis qu'il s'éloignait. Si tu veux te rendre utile dans cette guerre, la prochaine fois évite de charger une Créature seul et sans arme digne de ce nom ! »
Sans plus se préoccuper de lui, le Général déambula parmi les chariots, laissant peu à peu la tension du combat le quitter. Rapidement, il s'avéra que trois Protecteurs et un Cadet étaient morts et cinq autres sérieusement blessés. Parmi les civils, il n'y avait que deux pertes à déplorer. Cela aurait pu être bien pire s'il n'avait pas réagi à temps ! Le regard mauvais, il chercha des yeux Johan, mais ne le vit nulle part.
Au même instant, il buta contre un cadavre. Une jeune femme le fixait de ses grands yeux morts, un filet de sang noir coulant de sa bouche. Ses longs cheveux noirs étaient répandus en éventail autour de son visage. Trois impacts fumants lui avaient déchiré le flanc, noircissant ses veines et sa chair. L'espace d'une seconde, Sylvène vit le cadavre d'Aurora le regarder. Il se secoua et continua son chemin.
Au détour d'une carriole, il avisa enfin Johan, de retour avec deux de ses hommes. Les yeux écarquillés, les bras ballants, le commandant regardait avec horreur les cadavres de Créatures et d'Humains qui gisaient autour de lui. Ravi de trouver une distraction à ses tourments, Sylvène fondit sur lui. Johan était à peine descendu de cheval qu'il lui envoyait de toutes ses forces son poing dans la figure. Le commandant s'étala de tout son long sur le sol.
Les Protecteurs autour d'eux s'écartèrent précipitamment, les conversations se turent et Sylvène devint le centre de l'attention. Les ignorant superbement, le Général ramassa Johan par le col de sa cape, puis lui assena de nouveau un formidable coup de poing en plein visage. Cette fois, le commandant tomba les fesses dans la boue. Sonné, il ne se releva pas et regarda son tortionnaire sans comprendre. Deux filets de sang coulaient de ses narines.
« Lâche ! mugit Sylvène. Bâtard ! Que la Pleine Lune t'emporte ! Allais-tu donc regarder tes propres hommes se faire massacrer sans rien faire ? »
Johan ouvrit la bouche pour tenter de répliquer, toutefois Sylvène ne lui en laissa pas l'occasion.
« Ton incompétence a failli coûter la vie à chacun d'entre nous ! Tu mériterais que je t'attache et que je t'abandonne ici pour que les Créatures te règlent ton compte cette nuit ! Sang noir ! Ces civils et ces soldats étaient sous ta responsabilité : ils te faisaient tous confiance ! Et toi, qu'as-tu fait à part prendre héroïquement la fuite pour sauver ta misérable vie ? Que fais-tu de ton honneur ? Que fais-tu de ta charge de commandant ? Après tes exploits, tu ne mérites même pas le titre d'Humain ! »
Sentant des présences autour de lui, Sylvène fit face à la foule qui l'entourait sans oser intervenir. D'un doigt accusateur, il prit à partie les Protecteurs et les Cadets mortifiés.
« Pas un d'entre vous n'a su comment réagir face aux Créatures. Pas un ! Si je n'avais pas pris les choses en main, qui sait combien de pertes nous aurions eues ? Vous êtes fous si vous croyez pouvoir survivre sur les routes avec une telle organisation ! Ah ! Avec vous la race humaine a de sérieux soucis à se faire ! Si je retrouvais vos sergents-instructeurs, j'aurai deux mots à leur dire... »
Se retournant brusquement vers Johan, Sylvène le regarda d'un air mauvais et le commandant se tassa un peu plus sur le sol.
« Quel exemple donnez-vous aux Cadets que vous devez former ? Depuis que j'ai rejoint ce convoi, je n'ai jamais vu un tel ramassis de couardise et de bêtise réunies chez un seul homme ! Vous faites honte à notre Guilde ! Vous...
-Par l'ancien roi Emric ! Qu'est-ce qui se passe ici ? »
Écartant sans ménagement les civils sur leur passage, les trois mercenaires qui étaient restés combattre entrèrent dans le cercle, interrompant Sylvène dans sa tirade. Choqués, ils regardèrent leur camarade invectivant les Protecteurs, le commandant Johan dans la boue, puis les visages terrifiés des marchands. Sylvène laissa son bras retomber mollement contre son corps. Prenant conscience de l'ampleur de ce qu'il venait de faire, il sentit un long frisson lui parcourir le corps. La foule l'observait à présent en silence, craignant sa réaction.
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AMBRÛME : Le sang des Trémel
FantasyÀ Ambrûme, il faut tuer pour ne pas être tué. La guerre entre Humains et Créatures fait rage depuis des siècles et chaque clan, chaque ville, tente désespérément de survivre. Sylvène de Trémel, général Protecteur, a fait don de sa vie pour protéger...