Mortanc est un village qui transpire l'ennui... Pas de fêtes, pas de rires, pas d'amis ou d'Humains pour occuper mes interminables nuits. Chaque heure ressemble à la précédente : morne, terne. Oh bien sûr, il y a ma sœur avec moi, mais on ne peut pas dire qu'elle soit une compagne d'exil idéale. Nous n'avons pas les mêmes préoccupations. Alors qu'elle ne cherche qu'à se faire oublier, s'humiliant devant nos ennemis, moi j'attends l'opportunité de venger l'honneur de notre famille. Un jour viendra où l'Hybride paiera pour ce qu'il nous a infligé.
Viane de Travankel, Vampire
Caressé par la pâle lumière de l'après-midi, le village paraissait paisible. De légers creux dans la plaine témoignaient encore du fossé qui avait dû l'isoler des terres sauvages. On pouvait distinguer sous la végétation les fondations en pierre du mur d'enceinte qui avait entouré la petite centaine de maisons. Le bois des palissades avait complètement disparu, rongé par le temps. Quelques toits tenaient encore debout malgré les siècles d'abandon, permettant d'imaginer la silhouette du village sous ses ruines. Il y avait bien longtemps que Mortanc n'était plus répertorié sur les cartes d'Ambrûme. Ses habitants l'avaient abandonné au quatrième âge, lorsque sa défense était devenue impossible à assurer face aux Créatures. Sylvène n'avait entendu son nom que deux ou trois fois durant ses classes et, si sa sœur ne venait pas de lui rafraîchir la mémoire, il aurait été bien incapable d'identifier le village.
Ils se trouvaient à quelques centaines de mètres des premières habitations, en haut d'une petite colline. Si cela n'avait tenu qu'à lui, Sylvène aurait fait un large détour pour éviter Mortanc. Un lieu comme celui-ci pouvait être un véritable nid de Créatures et il ne tenait à en aucun cas à s'en approcher. Pourtant c'était là qu'Aurora tenait à aller. Depuis qu'elle l'avait rejoint, elle semblait prendre un malin plaisir à le déstabiliser.
« Tu es sûre de toi ? lui demanda-t-il, tâchant de dissimuler sa nervosité.
-Certaine. Je te croyais plus courageux que cela. Ne te conduis pas comme un Cadet ! »
Le mépris transpirait dans chacune des paroles de la Loup-garou. Gardant en tête leur dispute de la veille, Sylvène s'interdit de rentrer dans son jeu.
« Tu sais très bien que ce n'est pas de la peur, mais de la prudence. Un Protecteur ne ferait pas de vieux os s'il fonçait tête baissée au-devant de l'ennemi. Qui me dit que tu ne cherches pas à me piéger ? »
Aurora ricana.
« Si tu ne me suis pas, tu ne le sauras jamais. »
Sylvène ignorait comment il devait interpréter le brusque revirement de la Loup-garou. Il ne pouvait s'empêcher de se méfier et s'attendait à chaque instant à ce qu'elle lui saute à la gorge. La veille au soir, après une nouvelle journée d'un voyage harassant, il avait eu la surprise d'apercevoir un filet de fumée sur la plaine. Sylvène avait d'abord cru à des chasseurs de primes malgré leur éloignement dans les terres sauvages, mais avait très vite dû se rendre à l'évidence : ce n'étaient pas des Humains qui avaient allumé un feu de camp. Aurora était assise en tailleur à bonne distance du foyer. Ses doigts trituraient la végétation à ses pieds. Sa chemise était maculée de sang frais et la carcasse d'un daim à moitié dévoré gisait non loin d'elle. Le Général l'avait observée un moment, ne sachant quelle conduite adopter. D'un côté il se sentait toujours fou de rage à cause de son comportement, de l'autre il ressentait un certain soulagement à la revoir. Comme Aurora restait silencieuse, la tête obstinément baissée, il avait fini par mettre pied à terre. Il avait libéré Azurian qui s'était aussitôt éloigné du campement, refusant de s'approcher d'une Loup-garou puis, gardant la main sur la crosse d'un de ses pistolets, s'était avancé.
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AMBRÛME : Le sang des Trémel
FantasiaÀ Ambrûme, il faut tuer pour ne pas être tué. La guerre entre Humains et Créatures fait rage depuis des siècles et chaque clan, chaque ville, tente désespérément de survivre. Sylvène de Trémel, général Protecteur, a fait don de sa vie pour protéger...