Chapitre 8 : Pleine Lune

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Je reconnais bien volontiers que Lune est une Mordue rare et puissante. La force qui coule dans ses veines la distingue de ses congénères et bien peu de Créatures seraient capables de l'arrêter. Toutefois, elle est loin d'être invulnérable. J'ai eu vent de rumeurs, de murmures, et le fait que l'Hybride la veuille à ses côtés ne fait que les conforter. Si ce que je soupçonne s'avère exact, alors je tiens la première pierre de ma vengeance. Je n'ai pas dit mon dernier mot !

                                                                                                Viane de Travankel, Vampire


Il y avait bien longtemps que plus personne ne savait exactement comment étaient apparues les Créatures. Elles étaient nées au début du troisième âge, pendant la guerre du loup et du rapace, dans les laboratoires des alchimistes des royaumes de Drenay et de Lyne. Les écrits d'époque qui avaient pu être sauvés des flammes s'accordaient à dire que la lune avait joué un rôle capital pour la création de chacune des races. C'était d'ailleurs une des rares informations un tant soit peu fiables qui subsistaient encore. Quand les Créatures s'étaient révoltées contre leurs maîtres et qu'il était devenu évident que les Humains couraient droit à leur perte, certains alchimistes avaient décidé de créer de nouvelles races. Ils les espéraient plus dociles et aptes à les défendre contre celles qui les menaçaient alors. Quand les rois et reines survivants avaient eu vent de l'affaire, ils avaient pris peur et, par crainte d'un désastre encore plus grand, avaient exécuté les coupables. Les rumeurs sur ce nouveau projet s'étaient répandues comme des traînées de poudre dans tout Ambrûme. Terrifiées à l'idée de devoir affronter de nouveaux monstres, les populations avaient massacré les alchimistes. Ceux qui avaient réussi à échapper aux bûchers avaient été traqués, puis exécutés à leur tour et très vite, tous les savants ayant participé à la naissance des Créatures avaient été assassinés. Les formules utilisées s'étaient perdues, le savoir avait déserté les mémoires. Aujourd'hui, Sylvène regrettait amèrement ces exécutions guidées par la peur et la panique. Les nouvelles générations d'alchimistes qui avaient vu le jour au cinquième âge avaient été bien incapables de trouver un remède aux erreurs de leurs ancêtres, condamnant les Humains à affronter des Créatures toujours plus nombreuses et agressives. Chaque mois, la pleine lune sonnait l'apogée de la peur.

Les Loups-garous formaient l'espèce la plus crainte et la plus détestée d'Ambrûme. Les Massacreurs étaient agressifs et commettaient des ravages, mais ils restaient des animaux. Les Spectres pouvaient coloniser les cadavres et les animer, mais ils étaient impuissants sans corps à proximité. Les Vampires se montraient rapides, particulièrement intelligents et retors, et possédaient de nombreux talents de persuasion. Pourtant la plupart étaient aussi sensibles à la lumière du jour qu'à l'argent, et rares étaient ceux qui pouvaient sortir avant que la nuit tombe. Sylvène les craignait et s'en méfiait davantage depuis sa mésaventure avec Viane. Ce n'était pas l'espèce qu'il redoutait le plus... De base, les Loups-garous possédaient une force physique impressionnante qu'il était difficile de contrer, mais le danger résidait surtout dans leur instabilité. Ces Créatures avaient le plus grand mal à se contrôler et les crises de colère d'Aurora en étaient des exemples flagrants. Leur puissance était à la fois un atout dans les combats et un cruel inconvénient qui pouvait les pousser à attaquer même en infériorité ou à massacrer tout un village sans pouvoir s'arrêter. Les blesser ne faisait que les énerver encore plus, le sang et la violence les galvanisaient. Les Loups-garous possédaient également une relation particulière avec la pleine lune. Peut-être parce qu'ils avaient été les premiers à être créés. Peut-être parce que les grands loups dont les alchimistes avaient tenté d'exploiter les capacités sur des Humains étaient des animaux nocturnes. Du coucher au lever du soleil, la terreur et le chaos se déchaînaient avec une violence inouïe. Les Loups-garous perdaient le peu de contrôle dont ils étaient capables : les Protecteurs appelaient cela la Rage. Même sans être provoqué, l'odeur de la moindre proie ou du moindre danger les faisait presque systématiquement sombrer dans une folie meurtrière : ils attaquaient, guidés par une soif de sang irrépressible. Une autre nuit, avec un bon arsenal, il était encore possible de maintenir à distance ces Créatures. Durant la pleine lune, elles perdaient tout instinct de survie. L'argent ne suffisait plus à les repousser et les blessures qu'il leur infligeait ne faisaient que décupler leur folie. Les rumeurs disaient même que ces bêtes étaient alors capables de s'en prendre aux autres races de Créatures pour assouvir leurs pulsions meurtrières. Au moins, les Vampires et les Hybrides étaient immunisés contre le venin de Loups-garous. Pas les Humains. Les morsures des nuits de pleine lune les condamnaient et le seul moyen de leur éviter la transformation était de les tuer d'une balle d'argent.

AMBRÛME : Le sang des TrémelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant