AMBRÛME : Le sang des Trémel

Chapitre 10 : Un Vampire et un Loup-garou PARTIE 1

Maintenant que je suis prêt, il est temps pour moi de reprendre ma chasse. Je n'ai que trop tardé.

                                                                         Arkivas de Morwenn, Loup-garou

Quand Aurora bondit, Sylvène ne tenta pas de fuir. Il ne tenta pas non plus de l'arrêter : ses pistolets étaient déchargés et il savait qu'il ne pourrait jamais venir à bout d'un tel adversaire avec son sabre. S'interdisant de fermer les yeux, il regarda sa sœur attaquer et contracta ses muscles pour se préparer au choc. Il espérait une seule chose : que tout se termine le plus vite possible. Sa surprise fut de taille lorsque sa sœur sauta par-dessus lui sans le toucher. Sylvène se retourna et la regarda filer entre les arbres, s'éloignant de lui à toute vitesse. Il l'entendit hurler, un second Loup lui répondit et les bruits s'estompèrent peu à peu dans le sous-bois. Le silence revint, drapant le charnier d'une désagréable quiétude. Aux aguets, Sylvène se dépêcha de recharger ses armes et attendit, attentif au moindre son. Plusieurs minutes passèrent. Ni Aurora ni le Loup noir ne réapparurent. Étaient-ils en train de se battre ? Le Général jugea plus prudent de quitter les lieux. Il banda rapidement son bras et son poignet, ramassa ses affaires et prit la direction des montagnes. De nouveaux cris d'Indissociables se firent entendre, lui faisant accélérer le pas. Il espérait que les Lutins de la mort s'arrêteraient aux cadavres qu'il laissait derrière lui et qu'ils ne viendraient pas lui chercher une nouvelle fois querelle ! De même, les Spectres pouvaient encore rôder dans les environs et posséder de nouveaux corps, ce qui le motivait à quitter le sous-bois sans tarder.

Sylvène eut beau tendre l'oreille, il ne repéra pas d'autres hurlements de Loups. Le Loup-garou noir avait surgi de nulle part pour se jeter dans la mêlée. Depuis quand les traquait-il ? Les voyageurs avaient-ils franchi les limites de son territoire ? Pourquoi Aurora ne l'avait-elle pas senti ? Un détail revint à la mémoire de Sylvène. Il se concentra et revisualisa la scène : le Loup ne s'était pas attaqué à lui ou à sa sœur. Non, il s'en était directement pris au couple d'Indissociables qui menaçait Aurora. D'autres souvenirs l'assaillir : il y avait un Loup noir près de sa sœur lorsqu'il s'était réveillé après la morsure de Viane. Sur le coup il avait cru à une hallucination, mais ce qu'il venait de voir remettait son jugement hâtif en question. De même, aux Pierres Silencieuses, plusieurs Loups avaient rôdé autour de la grotte dans laquelle il avait passé la nuit. Enfin, Sylvène était presque certain d'avoir déjà vu un Loup noir les suivre sur la Plaine.

Aurora n'était donc pas aussi seule qu'elle le prétendait... Le Général ressassait cette idée déplaisante tout en avançant. Une fois de plus, il allait devoir l'interroger et la forcer à lui avouer la vérité. Si jamais elle se dérobait, il n'hésiterait pas à tuer le Loup noir quand l'occasion se présenterait. Il refusait de laisser une Créature rôder près de lui sans réagir : il considérait qu'il avait eu son quota d'attaques depuis le début du voyage. Bientôt, la conversation houleuse avec sa sœur, juste avant que les Spectres ne fassent leur entrée, remplaça le problème du Loup noir dans l'esprit de Sylvène. Tandis qu'il marchait, trois certitudes s'imposèrent à lui.

Tout d'abord, il était bien forcé d'admettre qu'Aurora avait raison sur une chose : ils n'arriveraient à rien en se confrontant l'un à l'autre à longueur de journée. Fallait-il que chacun mette ses rancœurs de côté et pardonne à l'autre ? Non, Sylvène doutait que cela soit possible. Par contre, ils allaient bientôt se retrouver tous les deux dans une ville infestée de Créatures et d'ennemis et ils devraient faire profil bas pour survivre. Ils ne pourraient pas juste s'y tolérer comme ils le faisaient depuis leurs retrouvailles. Dans leur intérêt commun et dans celui de leur famille, il leur faudrait présenter un front uni face à Yasuël.