L'heure était arrivée. Sylvène tâchait de rester froid et rationnel pour lutter contre ses émotions. Il était armé, reposé, et son poignet ne le faisait plus souffrir. En vérité, il se sentait presque d'attaque pour repartir sur les routes et l'idée de quitter l'étouffante forteresse de Yasuël n'était pas pour lui déplaire. Pourtant ce qui l'attendait l'empêchait de se réjouir. Savoir qu'il abandonnait sa famille dans un repère de Créatures le terrifiait. Leur mère et Faéline tâchaient de faire bonne figure mais elles avaient encore plus de mal que lui à contrôler leur détresse. Accoudée à la fenêtre, Aurora gardait son regard obstinément fixé sur les Monts de Dell, les lèvres serrées. Il fallut à Sylvène exercer tout le contrôle dont il était capable pour rester stoïque lorsque, peu de temps après l'aube, Yasuël pénétra dans leurs appartements avec Démos, Gredan et les Vampires jumelles qu'il avait vues dans la salle d'audience.
« Mes amis, déclara l'Hybride, je compte sur vous. Tuez le Prince de la Nuit et de nombreuses vies seront épargnées. Votre famille et moi-même attendrons votre retour avec impatience. Je n'ai aucun doute sur votre réussite.»
Durant un bref instant, Sylvène s'imagina se ruer sur lui et le frapper au visage, pulvériser son sourire condescendant et libérer toute sa colère. Cette vision lui fit grand bien. Il ne fit aucun commentaire et tourna le dos à l'Hybride. Il se retrouva alors devant à sa mère et sa petite sœur. Sylvène les prit dans ses bras et les serra brièvement contre lui. Il eut du mal à repousser leur étreinte pleine de détresse. La gorge nouée, il les embrassa, conscient que c'était peut-être la dernière fois qu'il les voyait.
« Veillez l'une sur l'autre, d'accord ?»
Aurora s'approcha et les enlaça à son tour.
« Nous reviendrons tous les deux, je vous le promets », dit-elle simplement.
Surpris de l'entendre faire ce genre de déclaration à son tour, Sylvène tressaillit. Leur mère sourit à travers ses larmes et acquiesça, incapable de prononcer le moindre mot. Faéline la regarda d'un air grave, comme si elle mesurait le poids de ses paroles. Aurora lui adressa un clin d'œil rassurant, puis elle fit brusquement volte-face, ouvrit la porte et sortit sans un regard en arrière. Bouleversé, Sylvène regarda une dernière fois sa famille, souhaitant s'imprégner encore un peu de leur présence. Il crut qu'il ne pourrait pas partir. Sa mère tenait Faéline par les épaules. Toutes deux pleuraient à présent. Les jumelles se rapprochèrent d'elles. Sur le côté, Yasuël l'observait, les bras croisés.
« Tous mes vœux de réussite vous accompagnent », murmura-t-il à son attention, comme un encouragement.
Sylvène prit une profonde inspiration. Il ne pouvait pas se permettre de rester davantage ! Il se força à leur tourner le dos et sortit à son tour.
À cette heure, la cour de la forteresse était déserte. Le cœur un peu plus lourd à chaque pas, Sylvène gagna l'entrée du souterrain dans les écuries avec sa sœur. Accompagnés par les sbires de Yasuël, ils refirent en sens inverse le chemin qui les avaient menés jusqu'au château. Dans la vallée, les gardes avaient disparu. Un cheval gris avait été attaché à un arbre. Il les regarda sortir du tunnel d'un air placide, apparemment peu impressionné par la présence de trois Créatures, et se laissa caresser par Sylvène sans renâcler. L'animal semblait en bonne santé : ses jambes étaient solides, son regard vif. Le Général jeta un coup d'œil rapide aux sacoches fixées à sa selle et constata avec satisfaction que tout ce qu'il avait demandé y avait été déposé. Démos lui montra un gros sac de toile adossé contre un rocher.
« Votre arsenal. »
Sylvène hocha sèchement la tête.
« Et votre sabre. »
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AMBRÛME : Le sang des Trémel
FantasyÀ Ambrûme, il faut tuer pour ne pas être tué. La guerre entre Humains et Créatures fait rage depuis des siècles et chaque clan, chaque ville, tente désespérément de survivre. Sylvène de Trémel, général Protecteur, a fait don de sa vie pour protéger...