Chapitre 22 : Une offrande pour les anciens dieux PARTIE 2

25 4 9
                                    

Le Général hésita, puis décida qu'il n'avait rien de mieux à faire pour le moment.

« Donnez-moi un instant et je vous suis. »

Il se dépêcha d'avaler le reste de son infusion et s'habilla rapidement. De sa tenue d'origine, seuls son pantalon et ses bottes étaient encore en état. On lui avait apporté une nouvelle chemise, un gilet de cuir, une épaisse écharpe de laine, des gants et un manteau. Celui-ci était un peu grand et sentait fort le cheval, mais était tout de même propre et confortable, tout comme le reste des vêtements. Une fois prêt, Sylvène sortit de la salle commune et retrouva Anselme sur le pas de la porte.

D'humeur joyeuse, le fermier lui fit faire le tour du propriétaire, non sans une certaine fierté, ponctuant leur trajet de nombreux commentaires. Sylvène le soupçonnait d'agir de même avec chaque étranger, prenant un malin plaisir à impressionner les voyageurs de passage. Il était vrai que la ferme fortifiée avait plutôt belle allure. Outre les habitations des paysans et le moulin qui dominait les constructions, elle comprenait deux greniers, trois granges, une vaste écurie et une forge. Les bâtiments possédaient de bonnes charpentes et des murs solides. Les bêtes qu'ils croisèrent –chevaux, vaches, et quelques cochons- semblaient en bonne santé et bien nourries. Des fermiers s'affairaient autour d'eux tandis qu'ils déambulaient. 

Sur leur passage, chacun dévisageait Sylvène avec curiosité. Tous conservaient des armes à leur ceinture ou à portée de mains. Quelques enfants jouaient avec insouciance dans la neige, sous le regard attentif des adultes.

« On est une soixantaine de personnes à vivre ici à l'année, expliqua Anselme. Huit familles et depuis peu quatre générations ! C'est le grand-père de mon grand-père qui a construit ce lieu. Il voulait mettre sa femme et ses enfants à l'abri des Créatures tout en continuant à exploiter ses terres. À l'époque, le Hautseigneur de Griselis, Andreas de Glinn, avait tout intérêt à aider les fermiers à se protéger pour qu'ils puissent cultiver leurs champs et élever leurs bêtes. Alors il a financé la construction d'une trentaine de fermes fortifiées autour de sa cité et, très vite, les fermiers se sont d'eux-mêmes regroupés pour plus de sécurité dans des constructions comme celle-ci.

-Combien de fermes reste-il à présent ? » voulut savoir Sylvène.

Une vague de tristesse fit s'affaisser les traits du visage d'Anselme, mais il retrouva bien vite sa bonhomie habituelle.

« Seulement quatorze aujourd'hui. Mais nos murs sont toujours debout, c'est l'plus important, alors que notre regroupement est un des plus éloignés de Griselis ! »

Anselme continua de commenter avec orgueil de la construction de chaque bâtiment. Sylvène le suivait sans rien dire. Malgré lui ses yeux allaient et venaient, enregistrant chaque dispositif de défense que les fermiers avaient mis en place. Le mur d'enceinte, avec son remblai de pierre et sa palissade de bois, faisait environ quatre mètres de haut. En son extrémité supérieure, il avait été garni de pieux renforcés à l'argent. Mais ce n'était pas suffisant. Sylvène savait par expérience que ce n'était pas cela qui pourrait repousser les Créatures les plus lestes et les plus agiles. Sur le chemin de ronde, cinq fermiers patrouillaient, armés de lances, d'arcs et d'arbalètes. Seul l'un d'entre eux possédait un pistolet passé à la ceinture.

« Vous n'avez pas d'armes à feu ?

-Peu. Elles coûtent cher comme vous le savez.

-Et vous vous faites souvent attaquer ? »

Anselme leva les mains avec fatalisme.

« Oui, bien sûr ! Mais, loué soit Guilhem, nous sommes toujours là et c'est le principal. Nous ne voulons pas abandonner nos terres. Quand les Créatures arrivent, nous ne nous laissons pas faire. S'il y a des morts, des vivants les remplacent. Il faut bien continuer à vivre ! Et comme je vous l'ai dit, les mères et les enfants se réfugient à Griselis durant les Pleines Lunes. Les combattants restent pour protéger les bêtes avec quelques Protecteurs qui nous prêtent des armes supplémentaires. En ce moment, nous ne sommes pas les plus à plaindre ! Les villes du sud se font sans cesse attaquer. Pas de chance pour elles, mais tant mieux pour nous : ça nous laisse un répit...»

AMBRÛME : Le sang des TrémelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant