AMBRÛME : Le sang des Trémel

Chapitre 24 : Une audience inattendue PARTIE 2

« Tu es mort, sale bâtard ! »

Et elle se mit en mouvement.

« Démos, combien de Créatures avions-nous prévues si ce genre de situations arrivait ? demanda Yasuël d'une voix tendue tandis que la Loup-garou avançait lentement vers eux.

-Quarante gardes supplémentaires, maître. Mais je ne sais pas si cela suffira...

-Lune, tu peux me dire ce que... » commença Sylvène.

La fin de sa phrase se noya sous le hurlement bestial que poussa sa sœur avant de bondir vers l'estrade de pierre. Démos se porta aussitôt à sa rencontre, l'intercepta en plein vol et les deux adversaires s'écrasèrent sur une table de travail qui se brisa sous la violence du choc. De nouveaux soldats firent irruption dans la salle et se précipitèrent vers eux. Le corps de Démos, éjecté au même moment des restes de la table, en faucha cinq d'entre eux, les envoyant au tapis. Le Vampire ne se releva pas.

La première Créature à atteindre Aurora reçut d'un puissant coup de griffe qui lui déchira la gorge et le menton. La seconde ne fut pas mieux accueillie. Gredan se transforma en un grand Loup au pelage marron et se jeta à son tour dans la bataille. Interdit, Sylvène regarda la mêlée tourner au carnage.

Ivre de rage, Aurora taillait en pièces chaque soldat passant à sa portée, déchiquetant la peau et les chairs de ses crocs et de ses griffes, indifférente aux blessures qu'elle recevait en retour. Sa soif de sang semblait insatiable. Une dizaine d'autres Créatures avait franchi le seuil de la salle pour prêter main-forte à Démos et Gredan. La peur se lisait dans leurs yeux, pourtant les soldats se portaient avec courage au-devant de l'ennemi. Ils mordirent la poussière en un temps record. Des hommes et des femmes gisaient sur le sol, se vidant de leur sang sur les tapis ou le dallage de pierre. Certains réussissaient à se régénérer et se relever tandis que d'autres, plus durement atteints, ne bougeaient plus du tout. 

Des éclats de meubles et des morceaux de livres et de parchemins volaient autour des combattants. Des cris fusaient dans toute la salle. Des Créatures hurlaient des ordres, hurlaient de douleur, mais ce qui dominait la cacophonie étaient toujours les grondements d'Aurora. Jamais Sylvène ne l'avait vue aussi en colère. Jamais il ne l'avait vue aussi sauvage, même lors de leurs retrouvailles aux Pierres Silencieuses. Elle le terrifiait.

Elle va tous nous massacrer...

Désemparé, le Général n'arrivait toujours pas à se décider à agir. Il n'avait aucune idée de ce qui pourrait obliger sa sœur à se calmer et à reprendre le contrôle de ses actes et ne désirait aucunement se mettre à portée de sa colère. Les gardes de Yasuël avaient beau se sacrifier les uns après les autres, la distance entre elle et l'estrade de pierre se réduisait peu à peu. Démos finit par se relever, s'appuyant contre une colonne pour rester debout. Du sang gouttait de ses vêtements lacérés. Désarmé, il s'empara d'un grand chandelier monté sur pied et retourna au combat avec un sifflement de colère.

En haut des marches, l'Hybride observait la scène. Armé d'un long sabre, il était prêt à défendre chèrement sa vie. À quelques mètres des combats, près de Sylvène, Narile et Karile faisaient rempart de leurs corps à Lyliane et Faéline. Les deux femmes s'étaient réfugiées contre une des dernières bibliothèques encore intactes et regardaient la scène, tétanisées. 

Soudain, le grand chandelier que maniait Démos fut projeté dans la salle et Sylvène eut juste le temps de se baisser pour l'éviter. L'arme improvisée se fracassa contre la bibliothèque avec une telle force que le meuble tomba en arrière et se rompit sur le sol. Lyliane poussa un grand cri de terreur.

« Aurora ! Mais arrête ! Arrête ! » la supplia Faéline.

Les larmes mouillaient son visage. Pour la première fois, elle et leur mère découvraient le vrai visage de la Loup-garou. Aurora n'en avait plus seulement après Yasuël. Sa Rage la poussait à présent à s'attaquer à chaque personne, Humain ou Créature, qui osait se dresser sur son chemin. Inexorablement, Sylvène la voyait se rapprocher de leur famille.