Chapitre 3 : Mission suicide

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Lundi 2 décembre 2029 - base des Éveillés - Phoenix ville

Blade entraina Van dans l'ascenseur le plus proche et le jeune homme observa les étages défiler d'un œil anxieux. Quand ils atteignirent le dernier palier, il sentit l'inquiétude poindre. Les bureaux du renseignement étaient installés ici, ainsi que celui du chef de leur base, Christopher Willbanks. Van le connaissait bien. C'était un homme d'une bonne quarantaine d'années, admiré par ses troupes, respecté par ses pairs. Il avait le visage fermé d'une personne constamment en colère, une profonde cicatrice entaillait sa lèvre supérieure et ses yeux noisette demeuraient toujours fixes, empreints de condescendance. Le jeune chasseur ne fut pas surpris lorsque son chef s'arrêta devant la porte du bureau de leur supérieur où, clouée au battant, une plaque en métal doré indiquait « Bureau du Capitaine Christopher Willbanks, chef de la base ». Ses tripes se nouèrent. Il ne voulait pas avoir affaire à lui. Pas encore.

Blade toqua.

— Entre, entre !

Le chef ouvrit, dévoilant une salle de belle envergure au bout de laquelle deux baies vitrées donnaient sur la coursive. Christopher, enfoncé dans le dossier de son fauteuil, avait croisé les jambes sur son bureau. Son regard se posa tranquillement sur Van, qui sentit toute once de confiance en lui quitter son corps. Une sensation de sueur froide remonta le long de sa colonne et ses yeux cherchèrent une échappatoire dans les motifs du tapis noir.

— Asseyez-vous, dit le capitaine, ne perdons pas de temps.

Les deux convoqués prirent rapidement place dans les fauteuils devant le bureau. Christopher retira ses pieds du meuble, s'assit correctement et vint joindre les mains devant lui en se penchant vers ses interlocuteurs.

— Bon, fit-il, je n'ai pas envie qu'on perde du temps en politesse et tout le tralala, on se connaît trop bien pour ça je pense, donc Van, James Duvall m'a fait savoir que tu avais encore eu des comportements problématiques, donc on va revenir là-dessus : les ordres, sont les ordres. Blade veut te faire faire le ménage, moi, je vais te dire franchement, je suis à deux doigts de te foutre dehors. (Le heurt du malaise happa Van en même temps que les yeux froids de Christopher.) Tes conneries ça va deux minutes, OK ? Tu comprends quand je parle ?

Toute l'effronterie du jeune homme s'évanouit sous l'ombre du capitaine. Willbanks était le genre de personne qu'on n'osait pas affronter, parce qu'il dégageait quelque chose d'intimidant et d'inébranlable. Il avait deux petites prunelles fixes qui semblaient lire dans les pensées.

— Je comprends, répondit Van.

L'idée d'être renvoyé des Éveillés était une menace suffisante pour faire monter la peur. Van n'avait connu qu'eux. L'organisation l'avait recueilli, comme tous les chasseurs, alors qu'il n'était qu'un enfant. Dehors, il n'était personne. Pas d'état civil, pas d'existence propre, aucune scolarité. Toute sa vie s'était déroulée entre les murs de l'organisation. Les chasseurs n'avaient pas même le droit d'avoir un portable, ni de compte sur les réseaux, ils observaient la société de loin.

Pour Van, le bannissement signifiait la mort. En voyant son soldat devenir plus blanc qu'un fantôme, un sourire en coin ourla les lèvres de Christopher.

— Heureusement pour toi, je suis patient. En fait Blade et moi on a une mission pour toi. T'es prêt à l'écouter ?

Tiré de l'état d'angoisse dans lequel on l'avait plongé, Van leva la tête de ses genoux et se concentra sur son capitaine. Bien sûr, qu'il était prêt. Il aurait fait n'importe quoi pour prouver sa valeur.

— C'est une mission très dangereuse, lui dit Christopher en le dardant d'un œil grave, mais je sais que t'as les épaules pour ça.

Il n'arrêtait jamais de le fixer et Van, de plus en plus secoué, tentait de soutenir son regard sans jamais y parvenir. Ses yeux oscillaient entre Christopher et n'importe quel élément de la pièce.

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