Chapitre 22 : Tout lui prendre, pour qu'il n'en reste rien

444 56 91
                                    


Nuit du vendredi 13 au samedi 14 décembre 2029 – Sproul State Forest - Domaine Larkmîr

La question dérouta complètement Kadvael, qui ouvrit la bouche sans produire un son puis se leva, penaud. Il détestait se remémorer sa mort, la façon cataclysmique dont il était revenu à la vie, la sensation qu'il avait eu dans le corps quand le vampirisme l'avait arraché aux limbes. La glace dans les os, l'incompréhension, l'extrême solitude, le désespoir. Il revoyait encore le ciel noir et sans lune, l'impression d'irréalisme. Et la blessure. Sa fiancée sans vie. Car si lui était revenu, elle n'avait pas eu cette chance. Tu as toujours eu le cœur trop pur, Sun.

« Toc, toc, toc »

— Tout le monde est habillé, là-dedans ? Je peux entrer ?

Sauvé par le gong, Hortense frappait à la porte de ses appartements.

— Oui, tu peux entrer.

Le son du battant que l'on pousse et le claquement d'une paire de talons, furent succédés de l'apparition d'Hortense dans la salle du piano. Son regard passa de Kadvael à Van et un grand sourire se dessina sur son visage impeccable.

— Voilà le fauteur de trouble, plaisanta-t-elle. Tu as très bonne mine, dis-donc. Je te demanderais bien ton secret, mais je crois que je le connais.

Van comprit l'allusion et lâcha un sourire en coin.

— OK, on est à l'aise ici.

— Non, Hortense est à l'aise, opposa Kadvael. Comme tu es là, as-tu du matériel de dessin ?

— Bien sûr. C'est pour toi ou pour ton mignon ?

— Van n'est pas... (Il soupira et se pinça l'arête du nez.) C'est pour Van.

Elle sourit.

— Je vous amène ça très vite, mais avant toute chose, j'ai besoin de te parler. Si ça ne t'ennuie pas que je te l'emprunte, Van ?

La question n'était que pure forme pour entrainer Kadvael dans le salon. Elle referma les portes derrière elle puis invita son ami à s'asseoir et joignit les mains, soudain très sérieuse. La voir sans son sourire n'était jamais de bon augure.

— Je ne vais pas y aller par quatre chemins, Kadvael. Je me fiche totalement que tu fricotes avec ce chasseur, en revanche, La Reine et le Haut Conseil s'opposent fortement à ce genre d'union. Les chasseurs sont des armes, ils ne vivent que pour nous tuer et je n'ai vraiment pas envie qu'il te poignarde dans ton sommeil.

Kadvael se mordit la lippe, conscient qu'elle avait raison. Il ne pouvait être sûr de rien concernant Van. Après tout, Halfred l'avait bien trahi malgré une décennie à travailler pour lui. Rien ne lui assurait que ce chasseur, venu ici pour lui ôter la vie, ne retenterait pas sa chance. Malgré tout l'idée de se séparer de Van maintenant, ou même plus tard, lui comprimait la poitrine et lui tordait l'estomac.

— Je sais, souffla-t-il. J'ai agi de manière irraisonnée et plus j'y pense, plus je réalise à quel point cette situation est absurde. Je ne peux pas garder Van enfermé ici éternellement.

— Il y a second problème. (Elle prit une bonne inspiration.) La façon dont tu as renvoyé Antoine ne lui a pas du tout plu. Bien entendu comme il s'agit de ton domaine, tu étais tout à fait légitime à le renvoyer. En revanche, si tu ne te débarrasses pas rapidement de Van, il pourrait te dénoncer auprès d'un C.O.S.T.R.

Une peur blanche heurta Kadvael, qui sentit son monde lui tomber dans les pieds. Les C.O.S.T.R ou « Cabinet pour l'Ordre et la Sécurité sur le Territoire Royal », étaient des organismes de proximité qui servaient aux dépôts de plaintes. Protéger un chasseur était reconnu comme un crime contre son peuple et entrainerait, non seulement une peine de prison et une amande dans le cas de Kadvael, mais également la mise à mort de Van, s'ils venaient à être découverts.

AssujettiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant