Chapitre 41 : La débâcle

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Nuit du vendredi 20 au samedi 21 décembre 2029 – Base des Éveillés - Phoenix Ville

Une bataille sans merci se déployait dans les baraquements des Éveillés. Une vingtaine de vampires avait fait irruption en début de soirée et interrompu leurs entrainements quotidiens. Ils étaient moins nombreux que les chasseurs mais, par chance, l'un des hommes de Parker avait fait volteface vers l'une des voitures pour appeler du renfort. Il s'était passé quelques secondes, entre le moment où Kadvael avait déboulé dans la coursive et celui où ses ennemis s'étaient précipités sur lui. Les claquements des arbalètes se mêlaient aux craquements visqueux des os, hurlements, chocs et fracas. Kadvael était acculé de toutes parts. Un homme à droite se jeta sur lui en levant un pieu, il le balaya d'un revers de main, l'envoyant se fracasser au sol dix mètres plus loin. Une seconde. Un bruit derrière lui. Il se retourna et bloqua une femme qui l'attaquait traitreusement en plaquant sa main sur son visage. Il serra, sa boîte crânienne se brisa sous sa poigne et éclata dans une gerbe d'hémoglobines. Kadvael jeta un regard circulaire à la débâcle ambiante. Des silhouettes déchainées dans les torpeurs de la nuit arrosaient l'air d'un rouge sanguin, des cadavres inertes jonchaient le sol, sous le sourire mesquin d'un croissant de lune. L'odeur du sang, prégnante. Un sifflement. Kadvael arrêta le pieu à quelques centimètres de sa poitrine, puis repéra le jeune chasseur qui, l'arbalète braquée dans sa direction, lui avait tiré dessus.

Ses prunelles se plantèrent dans deux yeux bruns et pétrifiés. Le chasseur sut trop tard qu'il avait fait une erreur. Le vampire qui se tenait debout à plus de dix mètres de distance apparut juste devant lui dans un tourbillon obscur de chauves-souris. Sa silhouette noire percée de deux pastilles écarlates le recouvrit de son ombre. Il sentit sa main se refermer sur sa gorge, une douleur aigüe. « Crac. » Le cou se brisa, envoyant sa tête toucher son épaule. Kadvael le relâcha et son corps flasque s'écroula dans l'herbe. Il se tourna pour jeter un dernier regard au champ de bataille qui s'étendait dans son dos, puis s'enfonça dans le bâtiment par une porte dérobée.

Le couloir désert était plongé dans la pénombre, un néon blanc grésillait sur le silence. Les cris à l'extérieur bourdonnaient en arrière-plan, étouffés par l'épaisseur des murs. Kadvael progressa lentement, poussant toutes les portes pour examiner les pièces, découvrant des salles de cours abandonnées. Arrivé à un embranchement, il enjamba un cadavre et tourna à droite. Kadvael était dans un état proche d'une transe. Il n'avait pris aucun plaisir à tuer, mais tout son espace mental était occupé par sa survie. L'espace de quelques minutes, il n'avait fait que frapper, démembrer, jeter, fracasser sans vergogne. À l'instant où les chasseurs s'étaient retournés contre lui, la bête avait pris le dessus. Son corps entier était en tension et, lorsqu'il atteint une large porte, son esprit visait l'unique objectif de retrouver Van. En poussant le battant, il évita de peu un tir d'arbalète, qui fila dans le couloir en lui éraflant la joue. Une fille, au fond à droite. Kadvael bondit vers elle, saisit ses cheveux et tira un coup sec, brisant son cou. Il la laissa s'effondrer au sol puis quitta la réserve pour s'enfoncer dans le corridor étroit.

Bientôt, Kadvael atteignit une porte blanche surmontée de l'indication « infirmerie ». Il entra dans le hall d'accueil dépeuplé et le balaya des yeux. Une chaise avait été renversée, des brochures étaient éparpillées sur le sol, un battement de cœur retentissait derrière le comptoir. Sur ses gardes, le Maître Vampire approcha, se pencha par-dessus la banque d'accueil et vit dépasser une épaule de sous le bureau. Il passa de l'autre côté d'un bond fluide, la saisit et tira un grand coup, arrachant une jeune femme à sa cachette.

— Pitié ! cria-t-elle en se couvrant le visage.

Kadvael réalisa qu'elle n'avait pas de rune aux poignets et qu'elle portait une tenue d'infirmière, tâchée à l'épaule de l'empreinte rouge de sa propre main. Il s'accroupit et la femme se recroquevilla davantage, fixant sur lui un regard terrifié, au bord des larmes. Son cœur martelait sa poitrine. Le vampire repoussa ses cheveux blonds et elle sursauta, mais il voulait simplement découvrir le badge épinglé dans sa blouse.

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